C’est de la nuit que le Sauveur est venu et dans la nuit qu’il est né. Il est venu de la nuit des temps, puisqu’il est l’éternel “Fils du Père”, selon la doctrine de l’Église catholique, et il est né dans la nuit, comme les bergers en sont témoins et comme disent les Écritures: “Alors qu’un silence paisible enveloppait toutes choses, et que la nuit parvenait au milieu de sa course rapide, du haut des cieux la Parole toute-puissante s’élança du trône royal (Livre de la Sagesse 18: 25 +). La liturgie de Noël applique ce verset à l’incarnation du Verbe, explique une note de la Bible de Jérusalem. Un traditionnel chant de Noël le dit: “Minuit chrétien, c’est l’heure solennelle où l’homme-Dieu descendit jusqu’à nous”.
Il est venu “chez les siens”, nous dit l’Évangile selon saint Jean. Il a donc choisi d’être personnellement trouvé par la race humaine et, à cette intention, a voulu disposer un peuple à le recevoir en envoyant devant lui des prophètes.
“Les prophètes d'Israël appartiennent à la famille des “porteurs de parole”(…). Ils se distinguent des autres inspirés divins (…) par le contenu de leur message. Celui-ci est déterminé par le fait que les prophètes hébreux parlent au nom d'un Dieu particulier, Yahvé, à un peuple particulier, Israël; la spécificité du prophétisme israélite repose sur le caractère propre des relations entre Yahvé et Israël telles qu'elles ont été vécues au cours de l'histoire” (Encyclopédie Universalis).
Pourtant, et dès l’aube de l’humanité, tel que rapporté par le Livre de la Genèse, le Sauveur s’était “affligé dans son cœur” de la “méchanceté” des hommes et avait même décidé de les effacer de la surface de la terre.
“Yahvé vit que la méchanceté de l’homme était grande sur la terre, et que son cœur ne formait que de mauvais desseins à longueur de journée. Yahvé se repentit d’avoir fait l’homme sur la terre et il s’affligea dans son cœur”.(Genèse 5 :5 +).
Que l’on croie à la réalité du déluge ou pas, le texte atteste du sentiment d’aversion profonde que l’état de dépravation morale de l’humanité inspire au Créateur, et de sa présence à l’Histoire.
Qui d’ailleurs ne s’en désolerait ? Et qui, se mettant à la place de Dieu, ne l’imagine disant la même chose à la vue des cruautés qui s’offrent à ses yeux aux quatre coins du globe terrestre, sans compter la militarisation de l’espace. La course aux armements est l’exact opposé des plans que le Créateur avait établis pour l’homme, dont on peut avoir une idée au chapitre qui parle du paradis terrestre.
“Dieu dit, faisons l’homme à notre image (…) Dieu vit tout ce qu’il avait fait: cela était très bon”. (Genèse 1 : 24 - 31). Et, ailleurs: “Yahvé Dieu planta un jardin en Eden, et il y mit l’homme qu’il avait modelé”, puis, après avoir jugé avec grande justesse qu’il “n’est pas bon que l’homme soit seul”, il lui “façonne une femme”, ce qui va l'éblouir. (Genèse 2: 18).
Mais si Dieu, comme il l’assure, avait renoncé une fois pour toutes à effacer l’espèce humaine de la surface de la terre, il n’avait pas renoncé à la corriger, par la parole des prophètes, comme par des actes concrets. S’adressant au peuple de l’Ancien Testament dont il voulait faire “la lumière des Nations”, il va faire dire en son nom, par les prophètes: “J’ai tendu tous les jours mes mains vers un peuple désobéissant et rebelle, qui marche dans une voie mauvaise, au gré de ses pensées; ils font seulement ce qui leur plaît”. (Isaïe 65:2 ).
Pourtant, ce peuple lui avait bâti un temple, et même un superbe édifice lambrissé de bois de cèdre du Liban. Cependant, il lui refusait toujours son cœur. C’est pourquoi il planifia sa déportation à Babylone. Certes, on peut répliquer que les prophètes d’Israël ont interprété a posteriori des événements historiques, comme la prise de Jérusalem par Nabuchodonosor, en y projetant une intention de Dieu. Mais les prophètes étaient là, et ils le sont toujours, comme les gardiens des intentions de Dieu et de ses jugements sur la conduite d’un peuple auquel il a décidé de se révéler et qu’il traite en conséquence. Ils détiennent les secrets des voies de Dieu.
Retour d’exil, des hommes selon le cœur de Dieu vont construire un second temple, encore plus beau que le premier. Peine perdue! Peine vraiment perdue, puisque six générations plus tard, il va venir parmi “les siens”, que ces derniers ne vont pas le reconnaître et qu’ils vont le traiter “à leur guise”, comme ils avaient traité l’homme qu’il avait envoyé devant lui pour claironner sa venue, et dont “la voix avait retenti dans le désert”. Jean fut décapité. Le Sauveur crucifié.
En l’an 70 de notre ère, le second temple fut détruit, comme l’avait été le premier. Il n’en resta pas pierre sur pierre, sinon un “Mur des Lamentations”, témoin de ce désastre. Le Sauveur, venu de la nuit et né en pleine nuit s’était “affligé dans son cœur” de ce que les siens ne l’aient pas reconnu et avait pleuré à l’avance cette destruction.
“Lorsque Jésus fut près de Jérusalem, voyant la ville, il pleura sur elle, en disant: “Ah ! si toi aussi, tu avais reconnu en ce jour ce qui donne la paix! Mais maintenant cela est resté caché à tes yeux”. (Luc 19 :41-42).
L’âge de la terre se compte en milliards d’années et l’étendue de l’univers est quasiment insondable. En venant au monde, en naissant de Marie, préfigurée par l’Arche, le Sauveur a franchi le “Mur du temps”, comme on franchit le mur du son, pour être en personne au milieu de sa création, pour nous offrir la possibilité d’embarquer sur l’Arche, non pas vers d’autres planètes – ce qui aurait été ridicule, puisque nous aurions emporté notre “méchanceté” dans nos bagages –, mais vers un royaume intérieur d’où la méchanceté aurait disparu sans retour.
Laissons donc le Sauveur, venu de la nuit des temps, nous sauver du temps et de la mortalité; nous faire franchir le Mur du temps contre lequel nous continuons de nous écraser.
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