De la crise des otages en Iran à Camp David: l’héritage complexe de Jimmy Carter
Le défunt ancien président des États-Unis, Jimmy Carter le 19 février 2023 ©LBJ Librairie / AFP

L'humiliation des otages en Iran restera une tache sur le bilan de Jimmy Carter, mort dimanche à l'âge de 100 ans, mais l'ex-président américain est parvenu au premier accord de paix israélo-arabe, un des succès de sa politique étrangère longtemps décriée pour sa faiblesse supposée.

De l'aveu même de Zbigniew Brzezinski, son conseiller à la sécurité nationale décédé en 2017, "son principal revers géopolitique" fut la chute du shah d'Iran et l'avènement de la République islamique, toujours considérée comme l'une des principales menaces pour Washington.

D'autant que, dans la foulée, un événement ébranla sa présidence.

Le 4 novembre 1979, des étudiants islamistes prennent d'assaut l'ambassade américaine à Téhéran et retiennent en otages une cinquantaine de diplomates et employés. Jimmy Carter rompt les relations avec l'Iran et lui impose un embargo commercial, mais une opération militaire pour libérer les otages tourne au fiasco.

La crise s'éternise pendant 444 jours, contribuant grandement à la défaite du démocrate en 1980, au terme d'un seul mandat à la Maison-Blanche.

Et à l'image négative qui a longuement collé à l'ex-président, à gauche comme à droite.

"Faiblesse et indécision" 

"Faiblesse et indécision", "incohérence et revirements" : encore en 2010, l'universitaire américain Walter Russell Mead dressait un portrait impitoyable du "syndrome Carter". Son approche peu interventionniste à l'étranger était "bien intentionnée mais boiteuse", ajoutait cet expert dans le journal Foreign Policy.

Selon lui, Jimmy Carter, rattrapé par la réalité, avait d'ailleurs fini par "soutenir la résistance à l'occupation soviétique en Afghanistan, augmenter le budget de la défense et jeter les bases d'une présence américaine accrue au Moyen-Orient". L'article avait suscité une rare réponse de l'intéressé.

"Tous mes actes avaient été programmés et annoncés avant même ma prise de fonctions", plaidait-il dans les mêmes colonnes. "S'il est vrai que nous n'avons pas été impliqués dans des conflits militaires durant ma présidence, je ne considère pas cela comme un signe de faiblesse ou une raison de m'excuser", ajoutait-il, estimant avoir su "préserver la paix" tout en renforçant "l'influence mondiale" des États-Unis.

De fait, à la lumière des soubresauts qui ont depuis agité la planète, une image plus équilibrée de la période 1977-1981 commence à émerger.

Droits humains

Au Moyen-Orient justement, son nom est encore accolé à l'une des rares avancées diplomatiques des dernières décennies : les accords de paix israélo-égyptiens conclus le 17 septembre 1978 dans la résidence présidentielle de Camp David, prélude au premier traité entre l'État hébreu et un pays arabe.

Un succès personnel, Jimmy Carter ayant personnellement poussé l'Égyptien Anouar al-Sadate et l'Israélien Menahem Begin à faire la paix, contre l'avis de ses propres conseillers qui jugeaient l'entreprise trop risquée et les chances de réussite infimes.

"Pas un engagement du traité de paix n'a été enfreint", se targuait-il des années plus tard, constatant que "peu ou pas de progrès réels" avaient été "réalisés depuis".

Robert Strong évoque une "avancée monumentale" pour la stabilité régionale qui "a survécu de manière surprenante au passage du temps et reste un élément important de la sécurité nationale d'Israël".

Son autre grand succès diplomatique fut le traité de 1977 visant à rétrocéder au Panama le contrôle complet de ce canal qui relie les océans Pacifique et Atlantique. Ce pacte résout durablement un contentieux explosif pour les relations avec l'Amérique latine.

À son actif, ceux qui tiennent à redorer son blason inscrivent également la normalisation des relations avec la Chine communiste, la modernisation des forces stratégiques américaines et des progrès dans le contrôle des armements avec l'Union soviétique.

Enfin, Jimmy Carter s'est fait connaître comme le président qui fit de la défense des droits humains une priorité de la diplomatie américaine, notamment vis-à-vis des régimes militaires d'Amérique latine. Un combat qu'il continuera de mener après avoir quitté le Bureau ovale, récompensé en 2002 par le prix Nobel de la paix.

Par Francesco Fontemaggi et Shaun Tandon, AFP 

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