Présidentielle: quorum, tours de scrutin, amendement… L’essentiel à savoir
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Tous les regards seront rivés sur la place de l’Étoile jeudi. Depuis juin 2023, les députés ne se sont pas réunis pour tenter d’élire un président de la République, un poste vacant depuis le 31 octobre 2022.

Comment se déroulera le scrutin? Combien de députés doivent être présents? La Constitution sera-t-elle amendée une nouvelle fois? Ici Beyrouth vous explique tout.

Quorum

Pour qu’une séance électorale puisse avoir lieu, il est impératif qu'un quorum soit atteint. Cependant, depuis 1982, la question du quorum nécessaire pour l’élection d’un président de la République fait l'objet de débats constitutionnels. Faut-il une majorité absolue des députés (65 sur 128) pour ouvrir la séance, comme le stipule l’article 34 de la Constitution? Ou bien 2/3 des députés (86), comme le prévoit l’article 49 pour l’élection du président au premier tour à la majorité des deux tiers des suffrages?

Ce débat s’est intensifié à partir de 2007, avec les blocages initiés par le camp du 8 Mars qui refusait de se rendre place de l’Étoile pour élire un successeur à Émile Lahoud. Un scénario similaire s’est produit en avril 2014, un mois avant la fin du mandat de Michel Sleiman. À l’époque, il a fallu 46 convocations et plus de deux ans pour élire Michel Aoun, en octobre 2016.

Les constitutionnalistes, libanais et français (puisque la Constitution libanaise s’inspire de celle de la IIIe République française), s’accordent sur la nécessité d'un quorum de 2/3 des députés, en se basant sur une jurisprudence datant de 1943 et sur l’interprétation de l’article 49.

Cependant, pour certains, un quorum a déjà été atteint le 29 septembre 2022, lors de la première séance, ce qui permettrait de poursuivre le vote avec les députés présents. Mais le président de la Chambre, Nabih Berry, a systématiquement clôturé chaque séance ouverte depuis cette date, exigeant une présence des 2/3 pour ouvrir une nouvelle session.

Quoi qu'il en soit, un président ne sera élu que lorsque 86 députés au moins décideront de se réunir et de participer au vote.

Tours successifs

Depuis que la date du 9 janvier a été fixée par Nabih Berry pour la nouvelle séance électorale, on affirme souvent que la séance sera ouverte avec des tours successifs de vote jusqu’à l’élection d’un président. Cependant, rien n’oblige Berry à convoquer un second tour si le premier ne débouche pas sur une élection. Le président de la Chambre pourrait lever la séance et inviter les députés à revenir dans l'après-midi ou le lendemain.

Ainsi, bien que la séance soit ouverte à 11h, il n’est pas garanti que le “conclave” se termine avec un résultat immédiat. Il est aussi important de noter que Nabih Berry a annoncé qu'il inviterait des ambassadeurs à la séance du 9 janvier, ce qui pourrait inciter à une certaine pression internationale. Cependant, si son allié Hezbollah poursuivait une autre stratégie, Berry pourrait être contraint d’ajourner la séance.

Majorité requise

Si les députés parviennent à un accord, un candidat pourrait être élu avec 86 voix dès le premier tour. Selon la version française de l’article 49 de la Constitution libanaise, “le président de la République est élu au scrutin secret à la majorité des deux tiers des suffrages” au premier tour. Toutefois, la version arabe stipule l’élection “à la majorité des deux tiers de la Chambre”. Si l’on suit la version française, le président pourra être élu dès le premier tour avec les 2/3 des suffrages exprimés, sans tenir compte des votes blancs ou annulés. Cela signifie qu'avec 86 députés présents, un président pourrait être élu avec seulement 58 voix.

Néanmoins, l’article 12 du règlement intérieur de la Chambre ainsi que les interprétations constitutionnelles depuis 1976 stipulent que c’est le nombre total des députés (et non les suffrages exprimés) qui doit être pris en compte. Par exemple, en mai 1976, 68 députés sur 99 se sont réunis pour élire Élias Sarkis, qui n’a été élu qu’au second tour avec 63 voix (moins que les deux tiers requis).

Depuis 1992, la Chambre compte 128 députés, ce qui signifie que 86 voix sont nécessaires pour une élection au premier tour et 65 voix pour les tours suivants.

En 2008, Michel Sleiman a été élu au premier tour avec 118 voix. En 2016, Michel Aoun n’a obtenu que 84 voix au premier tour et il a fallu attendre le quatrième tour pour l’élire avec 83 voix.

Amendement de la Constitution

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La question de savoir si la Constitution doit être amendée pour permettre l’élection de Joseph Aoun, ou d’un autre fonctionnaire de 1ʳᵉ catégorie, se pose. En temps normal, lorsque l'Exécutif est complet et pleinement opérationnel (avec un président et un gouvernement en place), un amendement de la Constitution nécessite un accord entre les deux pouvoirs ou, en cas de blocage, un passage en force du législatif.

Les précédents amendements constitutionnels, comme en 1995, 1998 ou 2004, ont permis la prorogation des mandats présidentiels ou l’élection de fonctionnaires de 1ʳᵉ catégorie après des amendements constitutionnels. En mai 2008, après l'invasion de Beyrouth par le Hezbollah, l’accord de Doha a permis l’élection de Michel Sleiman malgré des critiques concernant l’absence d’amendement pour permettre l’élection d’un fonctionnaire de 1ʳᵉ catégorie.

Aujourd’hui, le débat fait rage sur la nécessité ou non d’amender la Constitution pour permettre l’élection de Joseph Aoun. Ses opposants dénoncent l’inconstitutionnalité d'une telle élection, arguant que la Chambre ne peut pas amender la Constitution. Mais en réalité, même sans recourir à la jurisprudence Berry-Tabbara de 2007, Joseph Aoun pourrait être élu. En effet, un amendement constitutionnel nécessite le vote des 2/3 de la Chambre, soit 86 voix. Ces 2/3 pourraient amender la Constitution avant la séance électorale, ou élire le général directement, considérant que l'obtention de plus de 2/3 revient à un amendement tacite de la Loi fondamentale.

 

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