France: Kadhafi, Sarkozy et la campagne de 2007, le face-à-face judiciaire
L'ancien président français Nicolas Sarkozy (C) arrive au palais de justice de Paris, le 6 janvier 2025, pour l'audience d'ouverture de son procès dans l'affaire Kadhafi ©Thibaud MORITZ / AFP

Accusé d’avoir bénéficié de fonds libyens pour financer sa campagne présidentielle de 2007, Nicolas Sarkozy comparaît ce lundi devant le tribunal de Paris dans un procès historique. 

L’ancien président Nicolas Sarkozy, déjà condamné pour corruption dans l’affaire Bismuth et pour financement illégal de campagne dans l’affaire Bygmalion, fait face à la justice pour la troisième fois de sa carrière ce lundi 6 janvier. Cette fois-ci, c’est dans le cadre du dossier tentaculaire du financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007 que l’ancien chef d’État comparaît. Un procès inédit qui pourrait redéfinir les limites de la probité en politique française.

Une enquête hors norme: quatorze ans de zones d’ombre

Dès les révélations de Mediapart en 2012, l’affaire avait suscité des interrogations majeures: Nicolas Sarkozy a-t-il bénéficié de fonds libyens pour financer sa campagne présidentielle? Les juges d’instruction, s’appuyant sur des circuits financiers opaques, estimaient que plusieurs millions d’euros auraient transité depuis la Libye via des intermédiaires. Parmi ces derniers, l’homme d’affaires franco-libanais Ziad Takieddine, personnage clé de l’affaire, qui avait accusé l’ancien président en 2016 à travers des aveux, avant de se rétracter en 2020, semant ainsi davantage de confusion.

L’enquête, menée dans dix-sept pays, a été ralentie par des obstacles diplomatiques et le manque de coopération de certains États. “L’enquête a mis en lumière des anomalies comptables importantes et des flux financiers incompatibles avec une campagne légale, mais établir une preuve absolue reste délicat”, expliquaient les journalistes de Mediapart.

Depuis le début de l’affaire, Nicolas Sarkozy martèle son innocence, qualifiant les accusations de “fable” lors de plusieurs déclarations publiques et interviews médiatiques, et dénonçant un acharnement judiciaire. “Pourquoi, après 14 ans d’enquête, aucune preuve directe n’a été trouvée?”, demande-t-il régulièrement, notamment lorsqu'il est interrogé sur l’absence de preuves matérielles irréfutables. Cependant, les juges insistent: des décaisses d’espèces significatives coïncident avec des besoins de campagne.

Un procès collectif: douze prévenus et une chaîne complexe

L’ancien président n’est pas le seul à répondre devant la justice. Parmi les douze autres accusés figurent des personnalités politiques et des intermédiaires, tels que les anciens ministres Claude Guéant, Brice Hortefeux, ainsi que l’homme d’affaires Alexandre Djouhri. Tous sont poursuivis pour des charges allant de la corruption passive à l’association de malfaiteurs, mettant en lumière une chaîne complexe de responsabilités.

Un lourd contexte judiciaire pour Sarkozy

Ce procès vient s’ajouter à un calendrier judiciaire chargé pour Nicolas Sarkozy. Déjà condamné le 18 décembre dernier dans l’affaire des écoutes pour corruption et trafic d’influence, il doit purger une peine d’un an de prison, sous détention à domicile avec bracelet électronique. Bien que cette peine n’ait pas encore été exécutée – en attendant sa convocation par le juge d’application des peines –, il est possible que le bracelet électronique lui soit imposé avant la fin du procès libyen.

Une question historique

Tandis que l’ombre de Mouammar Kadhafi plane sur ce procès, une question centrale émerge: jusqu’où les relations troubles entre un candidat à la présidence française et un État étranger peuvent-elles aller?

Avec un risque de dix ans de prison et une amende de 375 000 euros, Nicolas Sarkozy engage non seulement sa crédibilité politique, mais également son héritage. Ce procès, qui se déroulera jusqu’au 10 avril, pourrait constituer un tournant décisif pour la transparence et la responsabilité en politique en France.

Les mois à venir s’annoncent décisifs pour l’ancien président et, au-delà, pour la perception de la justice dans les affaires impliquant les plus puissants.

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