Le secrétaire d'État américain Antony Blinken était en route vers Rome jeudi, sans doute pour son dernier voyage officiel, afin de discuter avec ses homologues européens de la façon de stabiliser la Syrie dans un contexte d'affrontements avec la Turquie.
M. Blinken, qui était auparavant allé en Corée du Sud, au Japon et en France, est parti jeudi de Paris et doit dîner à Rome avec ses homologues britannique, français, allemand et italien.
Mercredi dans la capitale française, il a assuré que les États-Unis, comme les Européens, voulaient une Syrie stable et pacifique, un mois après le renversement du régime Bachar el-Assad par des rebelles islamistes.
Mais l'inquiétude monte depuis la menace mardi de la Turquie de déclencher une opération militaire contre les combattants kurdes syriens, qui ont de fait dirigé leur propre État pendant la sanglante guerre civile ayant ravagé la Syrie dès 2011.
Au moins 37 personnes ont péri jeudi dans de nouveaux affrontements entre forces dominées par les Kurdes et factions soutenues par la Turquie dans le nord de la Syrie, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).
Les Forces démocratiques syriennes (FDS), à dominante kurde, des partenaires des Occidentaux au sein d'une coalition internationale antijihadiste, ont été le fer de lance de la lutte contre le groupe État islamique (EI). Mais la Turquie accuse les FDS d'avoir des liens avec les séparatistes armés kurdes sur son sol.
Les États-Unis travaillent "très dur" pour répondre aux "inquiétudes légitimes" de la Turquie et empêcher une offensive de ce pays contre les combattants kurdes syriens, a assuré mercredi à Paris M. Blinken, soulignant que "c'est un processus qui prendra du temps".
Concernant la Syrie, il a dit ne pas s'attendre à un changement de la part du nouveau président américain Donald Trump, qui doit prendre ses fonctions le 20 janvier.
Au cours de son précédent mandat (2017-2021), M. Trump avait dit qu'il accéderait à une demande du président turc Recep Tayyip Erdogan de retirer les troupes américaines combattant aux côtés des forces kurdes en Syrie. Mais il y avait renoncé après une levée de boucliers à l'initiative du président français Emmanuel Macron.
Levée des sanctions
À l'ordre du jour à Rome figure également la question des sanctions toujours en vigueur contre la Syrie.
Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot a jugé mercredi que certaines sanctions "pourraient être levées rapidement".
Le département du Trésor aux États-Unis a annoncé cette semaine qu'il allait relâcher les restrictions affectant les services essentiels.
Mais des responsables américains ont précisé vouloir attendre de voir les progrès accomplis avant une plus large levée des sanctions - et il est peu probable que le gouvernement du président sortant Joe Biden, dans ses derniers jours, soit prêt à retirer les rebelles syriens victorieux du Hayat Tahrir al-Cham (HTC) de la liste noire du "terrorisme".
Si les Occidentaux sont globalement d'accord sur la Syrie, quelques désaccords subsistent.
M. Blinken a notamment répété qu'il était "dans l'intérêt de tout le monde" de faire retourner dans leurs pays d'origine les militants étrangers du groupe État islamique et les membres de leurs familles, détenus par dizaines de milliers dans des camps en Syrie gérés par les combattants kurdes. Ce que la France et le Royaume-Uni, qui ont subi de sanglantes attaques jihadistes sur leur sol, rechignent à faire.
Les discussions de Rome ont lieu une semaine après une visite commune de Jean-Noël Barrot et son homologue allemande Annalena Baerbock à Damas, où ils ont rencontré le nouveau dirigeant syrien Ahmad al-Chareh pour plaider en faveur d'une transition politique inclusive.
Ce dernier, dont le HTC est l'ex-branche syrienne d'Al-Qaïda, a promis de protéger les minorités après la chute de Bachar el-Assad, qui gouvernait d'une main de fer mais dont le régime était largement laïque.
De son côté, un haut responsable américain a fait savoir le mois dernier que Washington annulait sa récompense de 10 millions de dollars promise pour la tête de M. Chareh.
Le ministre italien des Affaires étrangères Antonio Tajani doit aller à son tour vendredi en Syrie et y annoncer de premières aides au développement.
À l'inverse des autres puissances européennes, l'Italie avait tenté de normaliser ses relations avec le régime Assad quelques semaines avant sa chute, croyant à l'époque qu'il avait gagné la guerre.
Par Shaun TANDON, AFP
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