Lors de sa visite en Syrie, début janvier, le Premier ministre sortant, Nagib Mikati, a été confronté à une revendication émise par Ahmed al-Chareh: la restitution des dépôts des Syriens placés dans les banques libanaises.
Si cette demande peut paraître légitime, elle reste vague et dénuée de fondement légal, comme l’a indiqué un juriste, contacté par Ici Beyrouth, souhaitant garder l’anonymat. Selon ce dernier, cette requête semble davantage relever du populisme que d’une véritable démarche fondée sur des préoccupations concrètes. En principe, une telle revendication devrait être étayée par des documents officiels qui font actuellement défaut.
“Au nom de quelle Syrie et de quels Syriens Mohammad al-Joulani, de son vrai nom Ahmed Hussein al-Chareh, chef de Hayat Tahrir al-Cham (HTS), s’exprime-t-il?”, s’interroge cette source. “Ces dépôts appartiennent-ils à des particuliers, à des responsables politiques ou à l’État syrien?”
Dans tous les cas, une telle demande ne peut aboutir qu’en suivant un processus juridique rigoureux entre les deux pays. Or, même si ce processus est engagé, le Liban traverse une phase exceptionnelle de son histoire alors que le secteur bancaire est en proie à une crise systémique qui le prive d’une partie importante de ses liquidités. Dans ce contexte, la nationalité des déposants importe peu, car tous sont soumis aux mêmes règles légales. Aucun traitement préférentiel ne peut être accordé, qu’il s’agisse de Saoudiens, de Syriens, de Koweïtiens ou d’autres.
Le règlement des dépôts étrangers au Liban devra s’inscrire dans une résolution globale concernant l’ensemble du secteur bancaire. Si les dépôts syriens venaient à être remboursés, ce serait aux détenteurs légitimes des comptes bancaires, et non à l’État syrien, que les fonds seraient restitués.
Un chiffre improbable: 20 milliards de dollars?
En 2022, le président syrien déchu avait affirmé que les dépôts syriens dans les banques libanaises atteignaient près de 20 milliards de dollars. Ce montant semble toutefois peu crédible. Actuellement, le total des dépôts bancaires au Liban est estimé à environ 88,5 milliards de dollars, répartis entre résidents et non-résidents, ces derniers – dont des Libanais – représentant environ 20,5 milliards de dollars. Ce calcul remet également en question les revendications des déposants irakiens, qui avaient avancé un chiffre de 50 milliards de dollars pour leurs dépôts en 2021.
Le gouverneur par intérim de la Banque du Liban (BDL), Wassim Mansouri, a récemment déclaré, après un entretien avec le chef de l’État, le général Joseph Aoun, que la BDL avait finalisé une étude complète sur la structure des dépôts bancaires. Cette étude, remise au gouvernement, pourrait servir de base pour une résolution bancaire juste et équilibrée.
Ainsi, toute initiative visant à rembourser les dépôts étrangers devra se conformer à cette étude globale, établie sur des données fiables et transparentes.
Les symboles du régime déchu
Un autre juriste soulève la possibilité de revendications concernant les actifs des figures du régime déchu. Dans ce cas, c’est la législation sur la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme qui s’appliquerait.
La procédure prévoit que les autorités syriennes formulent une demande de levée du secret bancaire sur les comptes suspects et la transmettent à l’autorité politique libanaise. Cette dernière est alors tenue de relayer la demande à la Commission spéciale d’investigation (CSI) de la Banque centrale, seule autorité compétente pour statuer sur la levée du secret bancaire et le gel éventuel des comptes concernés.
Les banques libanaises, pour leur part, ne rendent de comptes qu’à la CSI, conformément à la réglementation en vigueur.
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