Un juge fédéral bloque la tentative de Trump de mettre fin au droit du sol
Le président américain Donald Trump participe à un déjeuner de travail avec des législateurs républicains dans la salle du Cabinet de la Maison Blanche, le 26 juin 2018 à Washington, DC ©GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Un juge américain a suspendu temporairement jeudi la remise en cause du droit du sol ordonnée par Donald Trump, signe que l'offensive anti-immigration voulue par le milliardaire républicain est promise à une longue bataille judiciaire.

"Il s'agit d'un ordre manifestement inconstitutionnel", a estimé le magistrat fédéral John Coughenour, cité par des médias locaux lors d'une audience à Seattle. Joint par téléphone, un greffier du tribunal a confirmé la suspension à l'AFP.

Dans la foulée de son investiture présidentielle lundi, Donald Trump a signé un décret revenant sur le droit du sol, un principe consacré par le 14e amendement de la constitution américaine et appliqué depuis plus de 150 ans aux États-Unis.

Cette mesure a immédiatement été contestée en justice par 22 États américains, dont la Californie et New York, et plusieurs associations. Ils ont intenté plusieurs procédures pointant son inconstitutionnalité.

"Franchement, j'ai du mal à comprendre comment un membre du barreau peut affirmer sans équivoque qu'il s'agit d'un ordre constitutionnel", a ajouté le juge Coughenour, en suspendant le décret. "Cela me laisse perplexe."

Le décret devait interdire au gouvernement fédéral de délivrer des passeports, des certificats de citoyenneté ou d'autres documents aux enfants dont la mère séjourne illégalement ou temporairement aux États-Unis, et dont le père n'est pas citoyen américain ou résident permanent - titulaire de la fameuse carte verte.

M. Trump a annoncé jeudi que son administration ferait "évidemment" appel de cette décision. Le ministère de la Justice a assuré de son côté que le décret présidentiel "interprète correctement" le 14e amendement. L'affaire est susceptible de remonter jusqu'à la Cour suprême.

En signant le décret, le président avait lui-même reconnu s'attendre à des contestations devant les tribunaux. Il avait également jugé que le droit du sol est un principe "ridicule", et avait faussement affirmé que les États-Unis seraient "les seuls" à l'appliquer.

En réalité, des dizaines de pays reconnaissent le droit du sol, dont le Canada, le Mexique et la France.

"Antiaméricain" 

La procédure jugée jeudi à Seattle était portée par les procureurs généraux de quatre États: celui de Washington, l'Arizona, l'Oregon et l'Illinois.

Ils soulignaient que ce décret pourrait priver de droit 150.000 nouveaux-nés chaque année aux États-Unis, et risquaient de rendre certains d'entre eux apatrides.

"Il faut espérer que ce décret anticonstitutionnel et antiaméricain n'entrera jamais en vigueur", a estimé le procureur général de l'État de Washington, Nick Brown, dans un communiqué saluant la suspension.

"La citoyenneté ne peut pas être conditionnée par la race, l'appartenance ethnique ou l'origine des parents", a ajouté le démocrate. "C'est la loi de notre nation, reconnue par des générations de juristes, de législateurs et de présidents, jusqu'à l'action illégale du président Trump."

La procureure générale d'Arizona, Kris Mayes, a de son côté salué "une victoire pour l'État de droit" "Aucun président ne peut modifier la Constitution sur un coup de tête et la décision d'aujourd'hui l'affirme", a ajouté cette élue démocrate dans un communiqué. Selon elle, cette décision "est la première de nombreuses victoires à venir (...) contre les cas d'excès de pouvoir de l'exécutif".

Outre la remise en cause du droit du sol, M. Trump a signé d'autres décrets lundi pour lancer une vaste offensive anti-immigration, qu'il a érigée en priorité absolue de son retour au pouvoir.

Il a notamment déclaré l'état d'urgence à la frontière entre les États-Unis et le Mexique, et y a envoyé l'armée pour en assurer la surveillance. Il compte également s'attaquer au droit d'asile.

"L'administration va vraiment essayer de repousser les limites" et voir si ses mesures "survivent aux tribunaux", avait expliqué lundi à l'AFP Cris Ramon, de l'ONG UnidosUS, en rappelant que le rôle de l'armée est lui aussi circonscrit par la loi.

Le premier mandat du président républicain avait déjà été marqué par de nombreuses passes d'armes judiciaires sur l'immigration avec plusieurs Etats dirigés par des démocrates et les associations de défense des migrants.

Par Paula Ramon et Romain Fonsegrives, AFP

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