Agrandir l'aéroport le plus fréquenté d'Europe pour relancer une activité économique atone: la ministre britannique des Finances, Rachel Reeves, veut remettre son pays sur la voie de la croissance et a donné son aval mercredi à une troisième piste pour le hub londonien d'Heathrow.
Cette mesure, décriée par les organisations écologistes et une partie de son camp, travailliste, figure parmi une série d'annonces très attendues de Mme Reeves, qui a détaillé dans un discours fleuve son plan de relance.
"Ce gouvernement soutient la construction d'une troisième piste à Heathrow", mais cet agrandissement sera soumis à "une évaluation complète" pour "garantir que le projet est rentable", mais aussi "conforme aux objectifs environnementaux" du pays, a assuré Mme Reeves.
"Il est peu probable qu'une troisième piste à Heathrow stimule l'économie britannique, mais elle augmentera certainement le bruit, la pollution de l'air et les émissions de gaz à effet de serre", a réagi Doug Parr, un responsable de Greenpeace au Royaume-Uni.
La chancelière de l'Échiquier, titre officiel de Rachel Reeves, cherche à rassurer des entreprises inquiètes de la hausse massive des cotisations patronales annoncée fin octobre et de la tiédeur des marchés quant aux plans du gouvernement d'avoir recours à des emprunts exceptionnels pour investir.
"Nouvelles opportunités de croissance"
Le gouvernement a déjà approuvé l'agrandissement des aéroports londoniens City et Stansted et pourrait valider sous peu des projets similaires pour Gatwick et Luton. "Nous ne pouvons plus esquiver la décision" sur Heathrow, une plateforme qui "nous relie aux marchés émergents du monde entier, ouvrant de nouvelles opportunités de croissance", a souligné Mme Reeves.
Le directeur général de l'aéroport, Thomas Woldbye, a applaudi "la reconnaissance du rôle essentiel que nous jouons pour l'économie et la croissance au Royaume-Uni", assurant que le nouveau projet débloquera "des milliards de livres".
Mais plusieurs acteurs du secteur, comme l'Association internationale du transport aérien (Iata) et le patron de la compagnie irlandaise Ryanair Michael O'Leary, ont fait valoir que la croissance profiterait davantage d'une baisse des redevances ou des taxes aéroportuaires.
Le maire de Londres, Sadiq Khan, opposé au projet, a quant à lui dénoncé "l'impact grave" que la troisième piste aura sur les Londoniens et "la réalisation de nos objectifs en matière de changement climatique".
Les plans d'agrandissement d'Heathrow ne sont pas nouveaux. Fin 2020, à l'issue d'une saga judiciaire, la Cour suprême britannique avait statué en faveur d'une troisième piste. Mais le projet a depuis été retardé par l'épidémie de Covid-19.
Il fait encore face à de nombreux obstacles.
En particulier, l'expansion aurait un coût très élevé: le quotidien The Times évoque une fourchette de 42 à 63 milliards de livres (50 à 75 milliards d'euros).
"Pas notre destin"
"Cette expansion ne devrait pas avoir lieu tant que le gouvernement n'aura pas montré exactement comment elle sera compatible avec ses objectifs climatiques", estime Bob Ward, un expert climatique de la London School of Economics (LSE), qui relève cependant "beaucoup de choses positives dans le discours de la chancelière".
Mme Reeves était en effet attendue au tournant sur la croissance.
Après avoir déjà calé au troisième trimestre puis baissé en octobre, le produit intérieur brut (PIB) du Royaume-Uni a rebondi légèrement en novembre (+0,1%), mais moins qu'attendu.
Le FMI a cependant revu à la hausse, mi-janvier, sa prévision de croissance pour le pays cette année, à 1,6%.
"Une croissance faible n'est pas notre destin", mais la relance de l'activité économique "ne se fera pas sans se battre", a affirmé la chancelière mercredi, faisant une série d'annonces signalant des assouplissements des règles d'urbanisme ou des mesures de déréglementation pour doper les investissements.
Mme Reeves a aussi annoncé le soutien du gouvernement à plusieurs projets d'investissements pour développer un "corridor de croissance" entre Oxford et Cambridge et leurs prestigieuses universités, pour en faire une "Silicon Valley européenne".
Si l'objectif de relance de la croissance est partagé par les députés travaillistes, Mme Reeves doit encore convaincre dans son propre camp une expansion d'Heathrow loin de faire l'unanimité.
Avec AFP
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