L'insubordination, le gaspillage de l'argent des contribuables et la promotion d'agendas contraires aux intérêts nationaux des États-Unis figurent parmi les raisons invoquées par l'administration du président américain, Donald Trump, pour justifier le gel de l'aide étrangère et cibler l'Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) en particulier.
M. Trump, critique de longue date des dépenses à l'étranger, a confié au milliardaire Elon Musk la mission de rétrécir le gouvernement fédéral et de superviser le projet, déclarant que l'agence est “dirigée par un groupe de fous radicaux”, et jurant de “les chasser”.
De son côté, M. Musk a qualifié l'USAID d’ “organisation criminelle qu’il est temps de dissoudre”.
L'Ukraine, l'Éthiopie, la Jordanie, la République démocratique du Congo, la Somalie, le Yémen, l'Afghanistan, le Nigéria, le Soudan du Sud et la Syrie figurent parmi les principaux bénéficiaires de l'USAID. Cependant, l’autonomie quasi absolue de l’agence lui a permis par le passé de fournir de l'aide humanitaire à des pays avec lesquels Washington n'a aucune relation diplomatique, dont l'Iran et la Corée du Nord.
Le changement radical dans le paysage politique américain après le retour de Donald Trump à la Maison Blanche dénote une compétition flagrante entre deux écoles politiques: les libéraux, partisans du soft power, et les réalistes politiques, adeptes du hard power, dont de nombreux conseillers de M. Trump font partie, selon l'analyste politique et stratège militaire Riad Kahwaji.
“L'USAID est l'outil principal du soft power américain. Il est axé sur l'information, la diplomatie, l'aide à la société civile et l'autonomisation des femmes. Les administrations démocrates en ont fait leur cheval de bataille. Elles défendent toutes les causes que le libéralisme d'aujourd'hui soutient, y compris les droits LGBT, auxquels Trump s'oppose vigoureusement”, explique M. Kahwaji, fondateur et directeur de l'Inegma (Institute for Near East and Gulf Military Analysis), à Ici Beyrouth.
L'administration Trump considère l'aide fournie par l'USAID comme un immense gaspillage de l'argent des contribuables et estime que le hard power, notamment la puissance économique comme outil de sanctions, est un moyen plus efficace pour faire prévaloir ses intérêts.
“La sécurité à tous les niveaux, y compris la sécurité économique, est prioritaire dans leur agenda. Le multilatéralisme est très faible, c'est pourquoi ils se moquent des organisations internationales comme l'Organisation mondiale de la santé ou l'Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (l'Unrwa)”, soutient M. Kahwaji.
“Étant donné que la diplomatie n’est pas leur premier recours, je pense que cette administration américaine privilégiera le hard power, que ce soit par l’économie ou, éventuellement, par l’armée, avec la diplomatie en soutien. Le monde devra s’adapter à cette approche, car le fossé entre alliés et ennemis devient de plus en plus petit”, ajoute le politologue.
Les liens avec Soros
La relation étroite de l'USAID avec le réseau d'organisations soutenues par le philanthrope milliardaire George Soros, en particulier l’Open Society Foundations (OSF), a été scrutée en raison de soupçons de financement d'agendas politiques et de troubles mondiaux.
Selon la Heritage Foundation, un groupe de réflexion conservateur américain, la collaboration entre l'USAID et l'OSF a été consolidée en 2009, lorsque l'OSF est devenu le “principal exécutant” des programmes d'aide étrangère de l'USAID.
La fin des années 1990 et le début des années 2000 ont été marquées par une période de turbulences politiques intenses en Europe de l'Est, alors qu'une série de “révolutions de couleur” balayait la région. Les ONG de M. Soros étaient souvent au centre de ces protestations, jouant un rôle majeur dans la formation du paysage politique de l'époque. En 2003-2004, l'USAID et l’International Renaissance Foundation de M. Soros ont œuvré pour le soutien de la 'Révolution orange' en Ukraine, un moment clé dans la transition du pays vers les réformes démocratiques. Avant cela, le gouvernement américain avait déjà alloué des ressources considérables pour la promotion la démocratie en Ukraine: 54,7 millions de dollars en 2003 et 34,11 millions de dollars en 2004 par le biais de divers organismes gouvernementaux, dont l'USAID.
En 2018, de nouvelles révélations sur l'implication de l'USAID avec des groupes liés à George Soros ont suscité des inquiétudes. Le groupe de surveillance juridique Judicial Watch a découvert des documents montrant que l'USAID avait financé l'agenda mondialiste de M. Soros au Guatemala, un partenariat qui aurait vu l'OSF dépenser environ 100 millions de dollars entre 2015 et 2018 pour soutenir plusieurs entités liées aux troubles en Amérique latine. De même, en 2016, l'USAID aurait alloué 9 millions de dollars pour soutenir des militants de gauche radicale en Albanie, un projet supervisé par l'Institut East West Management du milliardaire américain.
Avec de telles sommes en jeu, les préoccupations concernant la transparence et la supervision de ces collaborations continuent d'alimenter le débat sur la relation du gouvernement américain avec les mouvements militants mondiaux.
L'action menée par Donald Trump contre l'USAID pourrait également être perçue comme une reprise de la politique de son premier mandat consistant à réduire les paiements d'aide étrangère, comme lorsqu’elle a suspendu les financements à divers organismes de l'ONU, dont le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA), ainsi que les aides à l'Autorité palestinienne. Durant son premier mandat, les États-Unis se sont également retirés du Conseil des droits de l'homme de l'ONU et ont failli à leurs obligations financières envers cet organisme.
Le secrétaire d'État, Marco Rubio, est désormais l'administrateur par intérim de l'agence. Créée en 1961, au sommet de la guerre froide, elle visait à mieux coordonner l'aide étrangère comme plateforme clé de la politique étrangère des États-Unis, visant à promouvoir les principes et les valeurs démocratiques par le biais de l'aide humanitaire et l’assistance au développement.
L'USAID a administré environ 60% de l'aide étrangère des États-Unis et a distribué 43,79 milliards de dollars durant l'exercice 2023, selon un rapport du Congressional Research Service (CRS). Son personnel de 10.000 employés, dont près de deux tiers travaillent à l'étranger, est venu en aide à environ 130 pays. L’aide en question est financée par le Congrès, conformément aux demandes de l'administration.
Ses employés ont été interdits d'accès à son quartier général à Washington DC, tandis que d'autres, aux États-Unis et à l'étranger, ont été suspendus, ce qui a suscité les craintes d’une fermeture imminente.
Commentaires