Président tous azimuts, Trump teste les limites de la séparation des pouvoirs
Donald Trump signant un décret présidentiel ©Jim Watson / AFP

À coup de décrets fracassants, de limogeages, ou de démantèlement d'institutions gouvernementales, Donald Trump étend chaque jour l'emprise de l'exécutif américain. Aux dépens, selon des élus de l'opposition comme experts, du principe démocratique de séparation des pouvoirs.

"Nous nous trouvons aujourd'hui dans une crise constitutionnelle", s'est alarmé le sénateur démocrate Chris Murphy.

En 2019, lors de son premier mandat, Donald Trump avait affirmé que la Constitution lui conférait des prérogatives illimitées. "J'ai le droit de faire ce que je veux en tant que président", avait-il soutenu.

De retour à la Maison Blanche, il teste à nouveau les limites de son pouvoir avec une cascade de mesures retentissantes.

Fini le droit du sol, a-t-il notamment proclamé le jour de son investiture en signant un décret qui vise à réinterpréter un amendement de la Constitution.

De vastes purges ont aussi été prévues au sein du FBI et du ministère de la Justice, ciblant agents et procureurs qui ont enquêté sur le républicain ces dernières années.

La mise à l'index d'agences gouvernementales, comme celles d'aide au développement international ou de protection des consommateurs, a également été amorcée.

"Donald Trump a démantelé le concept constitutionnel de séparation des pouvoirs", estime auprès de l'AFP Barbara Perry, professeure spécialisée dans l'histoire des présidents américains à l'université de Virginie. Un concept avec lequel, ajoute-t-elle, "les Pères fondateurs américains espéraient empêcher une concentration du pouvoir" par un équilibre avec les branches législative et judiciaire.

"Coup de force"

A la différence de son premier mandat, Donald Trump dispose aujourd'hui d'un allié de poids pour l'aider dans sa tâche, en la personne d'Elon Musk.

Le patron de Tesla, SpaceX et X a récemment pris le contrôle du système de paiements du Trésor américain, s'est attaché à disloquer plusieurs agences gouvernementales et a promis encore de "rapidement couper" des subventions fédérales qu'il juge "illégales".

L'homme le plus riche du monde n'est pourtant doté d'aucun mandat électoral, d'aucun portefeuille de ministre, et ne rend de comptes à personne d'autre que le président.

Pour Barbara Perry, face aux décrets de Donald Trump et aux "démarches d'Elon Musk échappant à tout contrôle", il revient aujourd'hui au Congrès "d'affirmer son pouvoir égal dans le système américain".

Car selon la chercheuse, les efforts entrepris par le président sont "sans précédent en dehors des périodes de guerre, de pandémie, ou de désastre économique".

Certains démocrates tentent bien de sonner l'alarme.

"Voici à quoi ressemble le début d'une dictature", a asséné lundi l'élue Ilhan Omar, accusant Donald Trump et Elon Musk de "tenter de dépouiller le Congrès de ses pouvoirs constitutionnels".

Cour suprême

Le sénateur Chris Murphy a dénoncé lui l'inaction des parlementaires républicains, qui disposent de la majorité dans les deux chambres, face à ce qu'il qualifie "de coup de force venant de milliardaires".

"Je ne comprends pas pourquoi ils pensent que cela s'arrêtera demain, ou le jour d'après", a-t-il déclaré.

Et "les démocrates doivent agir comme si la démocratie n'était qu'à quelques semaines de s'effondrer. Car c'est le cas", a-t-il alerté.

Le président républicain de la Chambre des représentants, Mike Johnson, a déclaré mercredi ne "pas voir de menace" aux prérogatives du Congrès et a fustigé "une réaction totalement disproportionnée dans les médias."

La Maison Blanche se défend de son côté de toute action illégale.

Si Donald Trump parvient effectivement à contourner la branche législative, il pourrait cependant avoir plus de difficultés à faire de même avec l'autorité judiciaire.

Déjà, son décret sur la fin du droit du sol a été suspendu par deux juges fédéraux, l'un d'eux le qualifiant d'"ordre manifestement inconstitutionnel".

L'administration Trump a signalé son intention de faire appel, et l'affaire pourrait remonter jusqu'à la Cour suprême.

Or, le républicain avait eu l'opportunité de bouleverser la composition de la haute cour lors de son premier mandat en nommant trois de ses neuf juges.

Barbara Perry, de l'université de Virginie, dit avoir "très peu confiance" en la Cour suprême pour s'opposer au président républicain, "après leur décision sans précédent de l'an dernier".

Dans une affaire concernant Donald Trump, la haute cour avait en effet grandement élargi le champ de l'immunité pénale présidentielle, au bénéfice du républicain.

 

Avec AFP

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