Cinq ans après, quelles sont les conséquences du Brexit?
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Cinq ans après la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, les répercussions du Brexit demeurent palpables, avec des effets significatifs sur plusieurs secteurs clés de l’économie britannique. Si certains s’attendaient à une reprise rapide, le pays semble encore peiner à surmonter les défis qui se sont imposés depuis ce tournant historique. Les impacts sont multiples: la libre circulation des personnes, l’économie, le marché du travail, les chaînes d’approvisionnement et les investissements étrangers ont tous été durement touchés.

L’une des premières conséquences visibles du Brexit a été la fin de la libre circulation des personnes, qui a entraîné des pénuries de main-d’œuvre dans des secteurs essentiels. Avant le Brexit, des milliers de travailleurs européens occupaient des emplois dans des domaines tels que l’agriculture, la construction, l’hôtellerie ou les soins de santé. Après la sortie du Royaume-Uni de l’UE, ces secteurs ont fait face à des difficultés de recrutement, en particulier lors des périodes de récolte. La National Farmers’ Union a estimé que 60% des exploitants agricoles ont éprouvé des difficultés à trouver des travailleurs, ce qui a entraîné des pertes économiques directes pour l’agriculture.

L’impact du Brexit s’est également fait ressentir dans le secteur des services financiers qui a vu son rôle de centre financier majeur pour l’Europe se réduire. De nombreuses entreprises financières ont transféré une partie de leurs activités vers des villes de l’UE, telles que Paris, Francfort ou Dublin, afin de maintenir un accès direct au marché unique européen. La Banque d’Angleterre estime qu’environ 7.000 emplois dans le secteur des services financiers ont ainsi été déplacés. La City de Londres, malgré sa position de deuxième place financière mondiale, a donc perdu de sa compétitivité.

Les chaînes d’approvisionnement ont également été gravement perturbées. L’introduction de nouvelles formalités douanières et la hausse des coûts de transport ont imposé des charges supplémentaires aux entreprises britanniques. Selon l’Office for National Statistics (ONS), les exportations britanniques vers l’UE ont chuté de 14% en 2020 par rapport à l’année précédente. Cette baisse a été particulièrement marquée dans les secteurs alimentaire et agricole, avec des exportations de viande en baisse de 30%. Le secteur automobile n’a pas été épargné, avec des coûts accrus dus aux formalités douanières, ce qui a impacté la compétitivité des produits britanniques sur les marchés européen et mondial.

L’investissement étranger a aussi souffert du Brexit. Avant la sortie du Royaume-Uni de l’UE, le pays attirait des investissements directs étrangers grâce à son accès au marché unique européen. Cependant, entre 2016 et 2022, les flux d’investissements étrangers ont diminué de 37%, selon le département du Commerce international britannique. Ce phénomène a été particulièrement marqué dans les secteurs de l’automobile et de la technologie, où plusieurs projets d’expansion ont été annulés ou déplacés vers des pays de l’UE, offrant un accès sans entrave au marché unique.

Tous ces changements ont conduit à une croissance économique plus faible que prévu. En 2020, le Royaume-Uni a connu un début de récession, aggravé par la pandémie de COVID-19. En 2023, le PIB britannique n’a progressé que de 0,4%, bien loin des prévisions optimistes d’avant le Brexit. L’incertitude autour de la sortie de l’UE a créé un climat de défiance qui a retardé la reprise économique du pays.

Ce ralentissement a été exacerbé par des erreurs de gouvernance au sein du gouvernement conservateur, notamment pendant le mandat de la Première ministre Liz Truss. Son mini-budget de 2022, qui proposait des baisses massives de taxes dans un contexte d’inflation élevée, a plongé le Royaume-Uni dans une instabilité financière. L’inflation a atteint un pic de 11,1%, alimentée par des perturbations dans les chaînes d’approvisionnement et une politique fiscale inappropriée. La livre sterling a chuté à des niveaux historiquement bas, accentuant l’incertitude économique. Ces événements ont pesé lourdement sur le pouvoir d’achat des Britanniques, aggravant les difficultés économiques des ménages.

Cependant, avec l’arrivée d’un nouveau gouvernement dirigé par le Parti travailliste de Sir Keir Starmer, l’opinion publique nourrit des espoirs de reprise économique. Bien que la transition politique ne garantisse pas une résolution immédiate des problèmes liés au Brexit, elle pourrait offrir une gestion plus stable et pragmatique de l’économie britannique. Le Parti travailliste est vu par beaucoup comme un acteur capable de restaurer la stabilité et de rechercher des solutions plus coopératives avec l’Union européenne afin de réduire les frictions commerciales et de relancer la compétitivité du Royaume-Uni.

Malgré ce discours en faveur d’un rapprochement avec l’Europe, la politique européenne du Parti travailliste demeure encore floue. Les propositions actuelles, bien que techniques et modestes, ne témoignent pas d’une volonté de repenser fondamentalement les relations avec l’UE. L’accent est mis sur des ajustements sectoriels limités, tels qu’un accord vétérinaire, un soutien aux artistes en tournée ou un accord de reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles. Ces propositions, bien qu’avantageuses pour certains secteurs, n’ont qu’un impact marginal sur les conséquences économiques globales du Brexit.

Le Parti travailliste a aussi exprimé le souhait d’établir un “pacte de sécurité” avec l’Union européenne, visant à renforcer la coopération dans des domaines comme la sécurité militaire, économique, climatique, sanitaire, numérique et énergétique. Toutefois, les propositions restent peu ambitieuses et il semble que les questions les plus complexes, comme la défense européenne, sont laissées en suspens. Toutefois, le Parti travailliste, sous la direction de Keir Starmer, semble également envisager un rapprochement plus stratégique avec l’Union européenne. Sa récente participation à un conseil de sécurité européen, marquée par des signaux indiquant une volonté de rouvrir les discussions sur une base sectorielle, laisse entrevoir l’opportunité de négociations discrètes. Ces négociations pourraient permettre au gouvernement britannique d’explorer les contours d’un nouvel accord ou d’un ajustement substantiel à long terme de l’accord du Brexit négocié par Boris Johnson. En adoptant une approche prudente, Starmer pourrait ainsi éviter de s’aliéner les électeurs pro-Brexit tout en cherchant à alléger les frictions économiques et commerciales issues de la sortie de l’UE.

Ce rapprochement s’inscrit également dans un contexte international délicat, marqué par la réélection de Donald Trump qui envisage d’imposer des taxes tarifaires sur les pays de l’Union européenne. Bien que le Royaume-Uni bénéficie d’une relation spéciale avec les États-Unis et que Trump tienne un discours favorable à Londres, le Premier ministre britannique semble chercher à diversifier ses relations commerciales. En multipliant les initiatives avec l’Europe, il cherche à sécuriser l’économie du pays face aux incertitudes géopolitiques et économiques mondiales.

Aujourd’hui, bien que l’opinion publique britannique soit de plus en plus critique vis-à-vis du Brexit, il existe peu de volonté de rouvrir le débat. La pression des pro-européens reste faible et les priorités internes urgentes laissent peu de place à une révision de la politique européenne. Il est donc probable que la politique européenne de Starmer, bien qu’ouverte à des ajustements, demeure discrète et prudente.

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