Ce n’est pas de l’angoisse. Ce n’est pas du chagrin. À peine un regard. Arrêté droit. Blanc au centre. Ce ne sont pas des yeux, ces sphères sombres aplaties par l’instant d’un clic d’autrefois. C’est une photo de toi. Toi, reconnais-toi, petite c’est déjà du toi. Tout toi. Ton regard abrupt. Résolu et fuyant. Ce n’est pas l’effet du flash, insolence et timidité.
Toi. En pieds. Toi seule. Habits de princesse en noir et blanc, jupe fleurie pourtant. Fleurs sans couleur d’une jupe longue sur petite fille de 7 ans. Bras impuissants. Ton corps. Robes de princesse, pour la pause, pour les autres. Princesse, autrefois, du temps où tu étais la fille de ta mère. Fillette aux bras déposés, à l’expression qui capitule. Et fixe, et fixe, fixe.
Tu me regardes, je n’existe pas encore. Fillette à la rage impuissante. Au sourire composé. Pour la pause. Pour les autres. Sans imaginer l’après, quand je tomberai sur toi, photos d’autrefois. Toi et moi, l’impossible coïncidence. Impuissante à toucher ton âme retenue dans le papier écorné aux odeurs de passé. Tu me regardes, vigilance que je reconnais, pointe en creux. Tu es lance belliqueuse. Lance. Drapée de fleurs. Fillette aux bras longeant le corps.
Tu souris et emmures ta bouche derrière les lèvres. Tu souris, tête redressée. Chevelure domestiquée en nattes à l’anglaise. Comme les Anglaises pensais-tu et tu acceptais. Ressembler à encore plus loin de toi, toujours plus loin de toi. Une autre toi, Anglaise par les cheveux. Et cette mèche qui résiste. Ajustée juste avant le clic de la photo, plus rigide que le reste. Arrachement des racines sous la douche. La brosse qui s’accroche, elle tient seule dans la chevelure encombrée de nœuds. Ta mère tire. Douleur aiguë qui donne envie de frapper en retour. Mais les yeux piquent aussi: autre souffrance qui te distrait de la première. Tu cries. Ta maman aussi a les cheveux frisés, tu ne lui apprends rien de cette douleur, mais tu cries. Ce ne sont pas des larmes, des yeux qui piquent.
Tes yeux, la robe, tes lèvres. Tu passes de mains en mains. Ta mère est fière. On s’extasie. On t’exhibe. Tu te regardes aussi, tu seras son œuvre. Honteuse de trembler papier entre leurs doigts. Fillette, de mains en mains. Qui se raccroche à tes jambes élancées, forme du nez, pureté de la peau. Des bouts de toi exposés. On te jauge. On n’entend pas ton silence qui refuse. Cette résistance à l’autre nous relie, te nouera toujours à moi.
Je n’existe pas encore dans tes yeux rectilignes qui dévient pourtant. Ils ne se cachent pas à tenter de dissimuler. Je n’existe pas dans ces tranchées de désarroi en pleine face. Je n’existe pas dans l’ombre tracée par leur immobilité.
Je n’existe pas dans mes yeux que je vois sur les photos d’autrefois. Dans leur mélancolie, sans les paupières des mots. Quelle nostalgie portent déjà nos sept ans?
Toi, moi autrefois, du temps où j’étais la fille de ma mère. Mes yeux, assaut qui me plante dans mon histoire. Opaline, sans riposte.
Gracia Bejjani
https://graciabejjani.fr/
YouTube: youtube.com/c/graciabejjani
Toi. En pieds. Toi seule. Habits de princesse en noir et blanc, jupe fleurie pourtant. Fleurs sans couleur d’une jupe longue sur petite fille de 7 ans. Bras impuissants. Ton corps. Robes de princesse, pour la pause, pour les autres. Princesse, autrefois, du temps où tu étais la fille de ta mère. Fillette aux bras déposés, à l’expression qui capitule. Et fixe, et fixe, fixe.
Tu me regardes, je n’existe pas encore. Fillette à la rage impuissante. Au sourire composé. Pour la pause. Pour les autres. Sans imaginer l’après, quand je tomberai sur toi, photos d’autrefois. Toi et moi, l’impossible coïncidence. Impuissante à toucher ton âme retenue dans le papier écorné aux odeurs de passé. Tu me regardes, vigilance que je reconnais, pointe en creux. Tu es lance belliqueuse. Lance. Drapée de fleurs. Fillette aux bras longeant le corps.
Tu souris et emmures ta bouche derrière les lèvres. Tu souris, tête redressée. Chevelure domestiquée en nattes à l’anglaise. Comme les Anglaises pensais-tu et tu acceptais. Ressembler à encore plus loin de toi, toujours plus loin de toi. Une autre toi, Anglaise par les cheveux. Et cette mèche qui résiste. Ajustée juste avant le clic de la photo, plus rigide que le reste. Arrachement des racines sous la douche. La brosse qui s’accroche, elle tient seule dans la chevelure encombrée de nœuds. Ta mère tire. Douleur aiguë qui donne envie de frapper en retour. Mais les yeux piquent aussi: autre souffrance qui te distrait de la première. Tu cries. Ta maman aussi a les cheveux frisés, tu ne lui apprends rien de cette douleur, mais tu cries. Ce ne sont pas des larmes, des yeux qui piquent.
Tes yeux, la robe, tes lèvres. Tu passes de mains en mains. Ta mère est fière. On s’extasie. On t’exhibe. Tu te regardes aussi, tu seras son œuvre. Honteuse de trembler papier entre leurs doigts. Fillette, de mains en mains. Qui se raccroche à tes jambes élancées, forme du nez, pureté de la peau. Des bouts de toi exposés. On te jauge. On n’entend pas ton silence qui refuse. Cette résistance à l’autre nous relie, te nouera toujours à moi.
Je n’existe pas encore dans tes yeux rectilignes qui dévient pourtant. Ils ne se cachent pas à tenter de dissimuler. Je n’existe pas dans ces tranchées de désarroi en pleine face. Je n’existe pas dans l’ombre tracée par leur immobilité.
Je n’existe pas dans mes yeux que je vois sur les photos d’autrefois. Dans leur mélancolie, sans les paupières des mots. Quelle nostalgie portent déjà nos sept ans?
Toi, moi autrefois, du temps où j’étais la fille de ma mère. Mes yeux, assaut qui me plante dans mon histoire. Opaline, sans riposte.
Gracia Bejjani
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