Une question de temps avant que les monarchies vacillent!
Lorsque le monarque britannique Henri VII s’est éteint en 1509, sa mort a été tenue secrète pendant trente-six heures et rien n’a été modifié à la routine royale du quotidien, tels les repas servis aux heures habituelles, sans le moindre retard ou manquement. Tout s’est déroulé comme à l’accoutumée. La raison du report de l’annonce du décès n’était pas tant liée à l’appréhension de gérer le décès en tant que tel, mais plutôt à celle de préserver la continuité de la royauté. Surtout qu’Henry VII était le premier Tudor à accéder au trône britannique.

Certes, le contexte politique a énormément évolué depuis le XVIᵉ siècle. Les monarchies ont vu leurs pouvoirs d’antan se réduire, que ce soit à l'intérieur de leur pays ou dans les colonies qu'elles occupaient à travers le monde afin de servir leurs intérêts et leurs projets impériaux et expansionnistes. Ainsi, les «monarchies constitutionnelles» prédominantes ont cédé la place à des monarchies purement symboliques, du moins en Europe, avec l’essor des démocraties respectueuses de la représentation populaire après les deux guerres mondiales dévastatrices.

De ce fait, l’accession du roi Charles III (73 ans) au trône britannique s’est faite en douceur, suite au décès (le 8 septembre 2022) de sa mère, la reine Elizabeth, après un règne de plus d'un demi-siècle. Il n’en demeure pas moins que sa capacité à assumer ses nouvelles fonctions, ainsi que son aptitude à redresser sa popularité, qui se trouve au plus bas, restent à prouver. Et il est certainement encore trop tôt pour le savoir. De même qu’il serait prématuré de juger ce roi malgré son âge avancé, d'autant qu'il a longtemps attendu avant d’accéder au trône.

Partant, si le trône britannique est le prolongement historique de «l'empire sur lequel le soleil ne se couche jamais» (l’Empire britannique à son apogée, du XIXᵉ siècle à la première moitié du XXᵉ siècle), il est devenu un pur symbole, gardant tous les fastes et la magnificence de la royauté. Par ailleurs, d'autres régimes exercent les anciennes formes d’«autorité royale», si l’on peut les qualifier ainsi, bien qu’ils soient officiellement classés comme «royautés». Ces régimes en question empruntent à l'histoire l’interférence entre la religion et l'État, qui a valu aux Européens des batailles coûteuses afin de séparer la religion de l’État et renoncer à la théorie du droit divin de la royauté.

Des siècles plus tard, cette théorie refait surface au Moyen-Orient avec la révolution iranienne, déclenchée en 1979 dans le but de renverser le régime corrompu et tyrannique du Shah Mohammad Reza Pahlavi. Le régime des mollahs qui lui a succédé a progressivement écarté tous les révolutionnaires de gauche, les libéraux, les communistes et les indépendants, pour asseoir son pouvoir religieux.

Le professeur de sciences politiques, chercheur américain et auteur du livre Le choc des civilisations (paru en 1996), Samuel Huntington, a évoqué trois vagues de transition démocratique. La première était timide, et a eu lieu à la fin du XIXᵉ siècle. La deuxième s’est produite au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. La troisième, quant à elle, est survenue au milieu des années soixante-dix du siècle dernier en Europe du Sud et en Amérique latine.


Mais, évidemment, le chercheur controversé a négligé de mentionner la période des années 90 qui a suivi l'effondrement de l'Union soviétique. Sans compter la transformation d'un grand nombre de républiques soviétiques en régimes démocratiques, dont certaines ont réalisé des progrès importants, bien qu’incomplets. Or on ne peut pas en dire autant de l’Iran, pays géré par une mollarchie conduite par le guide suprême de la République islamique, où le processus vers un changement démocratique ne se produira pas de sitôt.

Mahsa Amini, qui n'a pas respecté les diktats de la police des mœurs en Iran, était à mille lieues de prendre toute la mesure de sa révolte, qui lui a d'ailleurs coûté la vie. Son décès a constitué l'étincelle qui a mis le feu aux poudres et libéré les femmes iraniennes, excédées par des lois imposées par un système patriarcal et qui régissent le mode de vie de la société iranienne depuis la révolution de 1979. La jeune fille, âgée de 22 ans, a été arrêtée le 13 septembre à Téhéran, alors qu’elle rendait visite à sa famille, pour «port inapproprié de vêtements» par la police des mœurs chargée de faire respecter le code vestimentaire strict de la République islamique d’Iran pour les femmes.

Masha Amini, tombée dans le coma après son arrestation, est décédée le 16 septembre à l’hôpital, selon la télévision d’État et sa famille. Cela étant dit, les conditions d'un changement politique en Iran ne sont pas encore réunies, d'autant plus que le régime n'a montré aucun signe d'ouverture depuis qu'il a pris le pouvoir il y a près de quatre décennies.

Les tentatives audacieuses et successives qui ont pris les rues de Téhéran et diverses villes et villages iraniens n'ont pas réussi à créer ne serait-ce qu’une brèche en raison de la répression brutale du régime iranien. La révolution des femmes ne réussira peut-être pas aujourd'hui, mais les Iraniennes ont le mérite d'avoir essayé.

 

 
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