
Sous un ciel strié par l’aviation militaire israélienne et par des hélicoptères de l'armée libanaise, se sont déroulées les funérailles de l’ancien secrétaire général du Hezbollah, Sayyed Hassan Nasrallah, près de cinq mois après sa mort lors d'une frappe aérienne israélienne. Des dizaines de milliers de personnes ont afflué vers la capitale pour rendre hommage à celui qui a dirigé le mouvement chiite pro-iranien pendant plus de trois décennies.
La cérémonie s’est tenue à la Cité sportive Camille Chamoun, dans la banlieue sud de Beyrouth, une zone fortement associée au Hezbollah. Les autorités ont mis en place des mesures de sécurité strictes, dont la fermeture de routes principales et la suspension temporaire des vols à l'Aéroport international Rafic Hariri, afin de gérer l'afflux massif de participants et de dignitaires.
Des unités de l'armée et des forces de sécurité intérieure ont été déployées sur toutes les routes, guidant et orientant les foules qui se dirigeaient vers la Cité sportive. Face à l'affluence, l’aéroport international de Beyrouth, situé à proximité, a suspendu ses activités entre midi et 16 heures.
Était présent à la cérémonie le président du Parlement, Nabih Berry, incessamment qualifié de “grand frère” par les orateurs du Hezbollah qui ont insisté aussi sur sa qualité de représentant du président de la République, Joseph Aoun.
Le ministre du Travail, Mohammed Haidar, a été chargé de représenter le Premier ministre, Nawaf Salam.
Parmi les personnalités présentes, des responsables iraniens de haut rang, en l’occurrence, le président du Parlement iranien, Mohammad Bagher Qalibaf, et le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araqchi, des politiciens irakiens, des commandants de milices et d'autres alliés régionaux. Ont également pris part aux funérailles les familles de l'ancien président iranien Ebrahim Raisi, de l’ancien ministre iranien des Affaires étrangères Hossein Abdollahian, de l’ancien commandant de la Force Qods du Corps des gardiens de la révolution islamique Qassem Soleimani, du conseiller présidentiel iranien Mohsen Rezaei et des personnalités judiciaires, outre la délégation officielle composée de près de quarante parlementaires.
Le clou du spectacle funéraire: la procession des deux cercueils de Nasrallah et de Safieddine installés dans une voiture à découvert, alors que la foule scandait “Ô Nasrallah, nous restons fidèles à la promesse”; “Nous ne nous laisserons pas humilier”. Des extraits de discours de Nasrallah et de Safieddine saluant les sacrifices des partisans du Hezbollah étaient diffusés en guise d’adieux, alors que des avions de chasse israéliens paradaient à basse altitude, rivalisant par leur rugissement avec l’ambiance des lieux.
Beaucoup moins impressionnante fut l’oraison funèbre du secrétaire général du Hezbollah, Naïm Qassem. Les mêmes messages, répétés dans chacun de ses discours précédents, ont occupé l’essentiel de son allocution diffusée en différé: une lecture subjective de la “victoire” du Hezbollah sur Israël; l’insistance sur “l’ampleur des sacrifices de la résistance” face à “l’ampleur des crimes sans précédent” commis par Israël au Liban et à Gaza; et “la pérennité de la résistance”, les violations israéliennes de la souveraineté libanaise et l’occupation de certaines parties du territoire libanais légitimant, à son avis, une contre-action du Hezbollah “qui choisira d’agir selon les évaluations faites par son commandement”. Comble du paradoxe, il a ajouté: “La décision la plus importante que nous ayons prise a été que l'État assume sa responsabilité après que la résistance a empêché l'ennemi d'atteindre ses objectifs”.
Tout en clamant: “Nous n’accepterons pas que les États-Unis contrôlent le pays” et “ce qu’Israël n’a pas pu prendre par la guerre ne sera pas pris par la politique”, Qassem a réitéré les “constantes” auxquelles souscrit le Hezbollah:
- “Nous exerçons notre droit à la résistance selon notre évaluation des intérêts et des circonstances; nous suivons la démarche de l'État pour expulser l'ennemi diplomatiquement.”
- “Nous ferons face au projet de Trump contre la Palestine.”
- “Nous participerons à la construction de l'État en conformité avec l'accord de Taëf et nous participerons au plan de reconstruction.”
- “Nous tenons à l'unité nationale et à la paix civile, le Liban étant une patrie pour tous ses fils, et nous comptons parmi ses fils.”
Autant d’affirmations qui ne vont pas au-delà des devises générales et laissent un arrière-goût de scepticisme.
La cérémonie a débuté sur une adresse de l’ayatollah Ali Khamenei faisant l’éloge des défunts Nasrallah et Safieddine, et signifiant “à l'ennemi que la résistance est là pour rester et qu'elle ne s'arrêtera pas tant qu'elle n'aura pas atteint l'objectif visé”, sans plus de précision.
Le porte-parole arabophone de l’armée israélienne, Avichai Adraee, a, lui aussi, adressé un message “à tous ceux qui pleurent Nasrallah”. Il a écrit sur son compte Facebook: "De qui portez-vous le deuil? De l'homme qui a fait du Liban un État en faillite? (…) De celui qui a détruit l'économie, divisé le peuple et impliqué le pays dans des guerres futiles? (…) Il a pris le Liban en otage du projet de ‘révolution islamique’ (...) Le pleurez-vous vraiment ou refusez-vous de voir la vérité en face?”
Hassan Nasrallah, figure emblématique du Hezbollah durant 32 ans, a été tué le 27 septembre 2024, lors d'une frappe israélienne ciblant le quartier général du Hezbollah, dans la banlieue sud de Beyrouth. Son décès a été considéré comme un coup dur pour le mouvement. Le général iranien Abbas Nilforoushan, un important commandant de la force Qods chargée des opérations extérieures de l'Iran, a également été tué dans cette même attaque. Le successeur désigné de Nasrallah, Hashem Safieddine, a été tué quelques jours plus tard, lors d’une autre frappe israélienne.
Les funérailles ont été retardées en raison des hostilités continues et des frappes israéliennes persistantes jusqu'à la mise en place d'un cessez-le-feu fin novembre 2024. En attendant la cérémonie officielle, les corps de Nasrallah et de Safieddine avaient été enterrés temporairement dans des lieux tenus secrets.
Le Hezbollah a exploité ces funérailles pour démontrer sa résilience et sa capacité à mobiliser ses partisans malgré les pertes subies. Chose qu’ont mise en évidence les déclarations de divers officiels: depuis l'aéroport de Beyrouth, Mohammad Bagher Qalibaf, chef de l'assemblée consultative iranienne, a affirmé: “Les gens ici sont plus déterminés que par le passé. Nous espérons entretenir les meilleures relations avec le Liban, et la République islamique d'Iran continue de soutenir le Liban.”
Pour sa part, M. Araqchi a souligné que ces funérailles “montreront au monde entier que la résistance est vivante, que le Hezbollah est vivant” et que “la marche de la résistance se poursuivra”. “De même que la résistance a remporté de grandes victoires, elle remportera la victoire finale”, a-t-il déclaré dans un message de soutien au Hezbollah. “Moi-même et le reste de mes frères serons comme une goutte d'eau dans cette mer, et le rassemblement majestueux à ces funérailles est un témoignage de la grandeur et de la fermeté du peuple libanais”, a-t-il ajouté.
La mort de Nasrallah a suscité des réactions variées au Liban et dans la région. Tandis que ses partisans le pleurent comme un leader emblématique de la résistance contre Israël, ses détracteurs voient en sa disparition une opportunité de réévaluer le rôle du Hezbollah dans la politique libanaise et régionale.
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