
Les autorités de transition syriennes, engagées dans des combats contre des groupes armés fidèles à l’ancien pouvoir dans le nord-ouest du pays, font face à des défis sécuritaires considérables.
Après plus de 13 ans de guerre civile, la présence de multiples factions armées aux allégeances diverses rend difficile le contrôle de l’ensemble du territoire, dans un pays multiconfessionnel et multiethnique.
Les Alaouites du littoral
Le littoral syrien est le bastion de la minorité alaouite, une branche de l'islam chiite, dont est issu l’ex-président Bachar el-Assad. Cette région a longtemps été considérée comme le fief du clan Assad, qui a gouverné le pays d’une main de fer pendant plus de cinq décennies.
Les alaouites - environ 9 % de la population syrienne majoritairement sunnite - étaient fortement représentés dans l'appareil militaire et sécuritaire de l'ancien pouvoir, qui a eu recours à la répression et à la torture pour museler l’opposition.
Depuis la chute d’Assad, le 8 décembre, des tensions secouent la côte syrienne avec une recrudescence des enlèvements et des fusillades, alimentant les craintes de représailles chez les alaouites.
Des attaques sporadiques visent les forces de sécurité, parfois menées par des partisans d’Assad ou d’anciens soldats de l’armée syrienne, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH).
La région abrite de nombreux anciens militaires fidèles à Assad, toujours armés, ainsi que des employés du secteur public limogés par le nouveau pouvoir.
Les affrontements meurtriers, assortis d'exactions contre des civils alaouites, qui secouent la côte depuis jeudi mettent en lumière, selon Aron Lund, du centre de réflexion Century International, la "fragilité du gouvernement".
"Une grande partie de cette autorité repose sur des jihadistes radicaux qui considèrent les alaouites comme des ennemis de Dieu", explique-t-il. "Lorsqu’une attaque survient, ces groupes lancent des raids dans les villages alaouites. Mais ces villages comptent à la fois des civils vulnérables et d’anciens soldats armés", créant une situation explosive, ajoute-t-il.
Depuis son arrivée au pouvoir, le président syrien par intérim, Ahmad el-Chareh, s’efforce de rassurer les minorités et a appelé ses forces à faire preuve de retenue et à éviter toute dérive confessionnelle.
Mais cette ligne n’est pas nécessairement partagée par l’ensemble des factions qui opèrent sous son commandement et forment aujourd’hui "l’armée et la police", selon M. Lund.
Les combattants kurdes
Dans le nord-est du pays, le nouveau pouvoir doit composer avec les forces kurdes, qui refusent de renoncer aux acquis de l'autonomie obtenue au fil du conflit.
Partenaires des Occidentaux dans la lutte contre le groupe jihadiste État islamique (EI), les Forces démocratiques syriennes (FDS), bras armé de l'administration autonome, contrôlent de vastes territoires riches en blé, pétrole et gaz.
Le préalable à leur intégration au sein du nouvel appareil militaire est leur dissolution, une exigence qu’elles rejettent.
Les négociations avec le nouveau pouvoir n’ont pour l’instant pas débouché sur un accord.
"Tant que les troupes américaines sont présentes dans le nord-est", où elles comptent plusieurs centaines de soldats, "les FDS ne se dissoudront pas", affirme à l'AFP le politologue Fabrice Balanche.
"Les Kurdes accepteraient le retour de l'administration civile syrienne: services de santé, éducation (…), mais non les forces militaires de Hay’at Tahrir al-Sham", HTS, le groupe islamiste radical fer de lance de la victoire rebelle contre Assad.
"Les Arabes, qui représentent plus de 60% de la population des territoires sous administration kurde, seraient quant à eux de plus en plus réfractaires à l’autorité des FDS" depuis le renversement d'Assad, note M. Balanche.
Les Druzes
La minorité druze, une branche de l'islam chiite, estimée à environ 3% de la population syrienne, vit principalement dans la province de Soueida (sud).
Longtemps en retrait de la guerre civile, les druzes se sont principalement attachés à protéger leurs territoires et ont évité en grande partie l’enrôlement forcé dans l’armée syrienne.
Deux importants groupes armés druzes ont récemment exprimé leur volonté de rejoindre une armée nationale unifiée, mais jusque là sans remettre leurs armes.
Début mars, à la suite d’escarmouches à Jaramana – banlieue de Damas à majorité druze et chrétienne –, le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, a menacé d'une intervention militaire si les autorités s'en prenaient aux druzes.
Ces propos ont été immédiatement rejetés par les dignitaires druzes, qui ont réaffirmé leur attachement à l’unité de la Syrie. Ahmad el-Chareh a également dénoncé ces déclarations et appelé la communauté internationale à faire pression sur Israël pour un retrait "immédiat" de ses forces infiltrées dans le sud syrien.
"Pour l’instant, les tentatives d’Israël d’instrumentaliser la question druze semblent avoir eu l’effet inverse, mais ne vous attendez pas à ce que les menaces et opérations militaires cessent", met en garde l'analyste Charles Lister sur X.
Avec AFP
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