La Syrie annonce une enquête sur des tueries de civils qui suscitent l'indignation internationale
©SANA / AFP

Le président syrien par intérim, Ahmad al-Chareh, a ordonné dimanche une enquête sur les "exactions" ayant visé des civils, dont plus de 800 ont été tués dans l'ouest du pays selon une ONG, une flambée de violences sans précédent depuis la chute de Bachar al-Assad, qui soulève l'indignation internationale.

D'après un nouveau bilan de l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), qui dispose d'un vaste réseau de sources en Syrie, 830 civils alaouites ont été tués "par les forces de sécurité et des groupes alliés" depuis jeudi.

Les violences ont été déclenchées par une attaque sanglante ce jour-là par des partisans du président déchu contre les forces de sécurité à Jablé, près de la ville de Lattaquié, berceau de la minorité alaouite, branche de l'islam chiite dont est issu le clan Assad.

Les autorités ont ensuite envoyé des renforts dans les provinces voisines de Lattaquié et Tartous, pour soutenir des opérations des forces de sécurité contre les pro-Assad.

Au moins 481 membres des forces de sécurité et combattants pro-Assad ont aussi péri, selon l'OSDH.

Les autorités n'ont pas fourni de bilan.

"Nous devons préserver l'unité nationale, la paix civile autant que possible", a déclaré M. Chareh, à la tête d'un pays multiethnique et multiconfessionnel, déchiré par plus de 13 ans de guerre civile.

S'exprimant dans une mosquée de Damas, il a annoncé la formation d'une "commission d'enquête indépendante" sur "les exactions contre les civils", afin d'en identifier les responsables et de les  "traduire en justice".

M. Chareh, alors à la tête du groupe islamiste sunnite radical Hayat Tahrir al-Cham (HTC) - classé comme terroriste par plusieurs pays dont les Etats-Unis - a dirigé la coalition rebelle qui a fait fuir le 8 décembre M. Assad à Moscou.

"Aujourd'hui, nous nous portons garants de tout le peuple syrien et de toutes les confessions, et nous protégeons tout le monde de la même manière", a assuré le chef de la diplomatie syrienne, Assaad Al-Chaibani, en déplacement à Amman.

Condamnations internationales

Depuis son arrivée au pouvoir, M. Chareh, s'efforce d'obtenir le soutien de la communauté internationale, et de rassurer les minorités contre toute dérive confessionnelle dans un pays majoritairement sunnite.

Le chef de la diplomatie américaine, Marco Rubio a condamné les "terroristes islamistes radicaux" pour ces "massacres", et appelé les autorités syriennes à en poursuivre les auteurs, après un appel de l'ONU à la fin immédiate des "tueries de civils".

Berlin "choqué" a demandé "instamment à toutes les parties de mettre fin aux violences" et Londres a appelé les autorités à Damas à "assurer la protection de tous les Syriens" condamnant des tueries "horribles".

Lors d'un sermon dimanche, le patriarche orthodoxe d'Antioche, Jean X, a relevé qu'aux côtés des alaouites, les "massacres avaient aussi visé "de nombreux chrétiens innocents".

"Ceux qui ont été tués n'étaient pas tous des hommes fidèles au régime, la majorité étaient des civils innocents et désarmés dont des femmes et des enfants", a affirmé Jean X.

Le chef de la diplomatie israélienne, Gideon Saar, a lui exhorté l'Europe à "cesser d'accorder une légitimité" au pouvoir de transition syrien "au passé terroriste bien connu".

Les pro-Assad traqués

Dimanche, le ministère de l'Intérieur a annoncé l'envoi de "renforts supplémentaires" à Qadmous, dans la province de Tartous où les forces de sécurité "traquent les derniers fidèles à l'ancien régime".

L'agence de presse officielle Sana, a rapporté de "violents affrontements" à Taanita, un village de montagne du même secteur, où ont fui "de nombreux criminels de guerre" du précédent pouvoir, protégés par des "fidèles d'Assad".

Un convoi de 12 véhicules militaires est entré dans le village de Bisnada, dans la province de Lattaquié, où les forces de sécurité fouillent des habitations, selon un photographe de l'AFP.

"Plus de cinquante personnes, des membres de ma famille et des amis, ont été tués", a affirmé à l'AFP un habitant alaouite de Jablé sous couvert de l'anonymat. Les forces de sécurité et des miliciens alliés "ont ramassé les corps avec des bulldozers et les ont enterrés dans des fosses communes. Ils en ont même jeté à la mer".

Volker Türk, Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, a évoqué des informations "extrêmement inquiétantes" faisant état de familles entières tuées.

L'OSDH et des militants ont publié vendredi des vidéos montrant des dizaines de corps en vêtements civils empilés dans la cour d'une maison, des femmes pleurant à proximité. Une autre séquence montre des hommes en tenue militaire forçant trois personnes à ramper, avant de leur tirer dessus à bout portant. L'AFP n'a pas pu vérifier ces images.

Selon Aron Lund, du centre de réflexion Century International, la flambée de violence témoigne de la "fragilité du gouvernement", qui s'appuie "sur des jihadistes radicaux qui considèrent les alaouites comme des ennemis de Dieu".

A Damas, les forces de sécurité sont intervenues pour disperser un sit-in de protestation contre les tueries, après l'irruption d'une contre-manifestation réclamant un "État sunnite", émaillée de slogans hostiles aux alaouites.

Avec AFP

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