UE, Canada et Grande-Bretagne avancent en front uni face à Trump
Mark Carney, le nouveau Premier ministre canadien, salue à son arrivée au palais présidentiel de l'Élysée pour une déclaration commune avec le président français dans le cadre de son voyage transatlantique visant à renforcer les liens avec les amis traditionnels que sont la France et la Grande-Bretagne, à Paris, le 17 mars 2025. ©Ludovic MARIN / AFP

Ils avaient affronté Donald Trump en ordre dispersé lors de son premier mandat, mais les pays de l'Union européenne font désormais bloc, agissant comme un pôle d'attraction notamment pour le Canada et la Grande-Bretagne qui partagent leur vision du monde.

Le nouveau Premier ministre canadien Mark Carney, qui a choisi la France et la Grande-Bretagne pour son premier déplacement à l'étranger, délaissant son voisin nord-américain, a souligné lundi qu'il était "plus important que jamais de renforcer" les liens de son pays avec des "alliés fiables" et de "diversifier" ses relations commerciales et sécuritaires, au moment où le Canada subit les menaces répétées du président américain.

"À l'évidence, une alliance se dessine dans les premiers mois de la présidence Trump", observe Frédéric Merand, professeur de sciences politiques à l'Université de Montréal, expliquant que les alliés historiques des États-Unis ont pris conscience qu'il n'y a "aucune relation spéciale qui vaille, sauf peut-être avec Israël" pour l'hôte de la Maison Blanche.

En moins de deux mois de présidence, le républicain a bousculé l'ordre géopolitique mondial, considérant la diplomatie comme un rapport de force, y compris avec les partenaires les plus proches de Washington.

Il a multiplié les propos menaçants sur l'annexion du Canada qu'il aimerait voir devenir le 51ᵉ État américain ou sur la possibilité de s'emparer du Groenland et du canal de Panama.

Sur le plan économique, il a dégainé, comme lors de son premier mandat, des droits de douane punitifs, tandis que, dans le domaine de la défense, les alliés des États-Unis dans l'Otan sont accusés de tirer profit de la générosité de l'Amérique.

Les États-Unis de Donald Trump sont devenus un repoussoir.

"Par conséquent, la seule stratégie viable, c'est de faire front commun et de l'isoler sur la scène internationale", estime Frédéric Merand.

 "Entre le continent et le grand large" 

Dans ce contexte, "l'Union européenne devient un point d'attraction pour des pays traditionnellement alliés des États-Unis et démocratiques et qui sont, comme le Canada, menacés" par le pouvoir à Washington, constate Sylvie Bermann, ancienne ambassadrice de France au Royaume-Uni.

Elle note le changement de posture de l'allié britannique qui avait toujours dit "qu'entre le continent et le grand large, il choisirait le grand large". "Sauf qu'aujourd'hui, c'est compliqué, à partir du moment où Donald Trump ne respecte plus les règles du jeu et s'éloigne des démocraties", dit-elle.

Le Royaume-Uni, qui a quitté l'Union européenne en 2020, est plus proche que jamais de la France et des autres pays membres, notamment dans la défense de l'Ukraine face à la Russie.

Pour le moment, on est dans "une réaffirmation de solidarité entre ces pays démocratiques qui ont la même vision du monde. Cela ne veut pas dire qu'on va aboutir à une alliance structurée", estime néanmoins la diplomate Sylvie Bermann.

Pour autant, en affichant un réalignement stratégique, l'UE, le Canada et le Royaume-Uni signalent la nécessité d'un bloc transatlantique renforcé pour le long terme.

"Nous n'avons aucune assurance que les États-Unis, dans trois ans ou dans quatre ans, seront les États-Unis que nous avions connus depuis la Deuxième Guerre mondiale", reprend le professeur de l'Université de Montréal.

Pour lui, il est temps de "penser à long terme et de mettre en place des fondations qui permettraient une institutionnalisation, une pérennisation d'un pacte des démocraties alliées historiques aux États-Unis".

Alors que l'UE, le Canada et le Royaume-Uni sont déjà liés par des accords de libre-échange, l'intégration économique semble être une voie d'entrée. Mais harmoniser les règlementations, coordonner les politiques industrielles ou réduire la dépendance aux États-Unis constituent de sérieux obstacles.

"Aucun pays n'est plus vulnérable que le Canada en raison de sa dépendance économique envers les États-Unis et de sa dépendance au parapluie sécuritaire américain", note pour sa part Edward Alden, expert au Council on Foreign Relations (CFR).

Renforcer ses liens avec l'Europe ne suffira "pas à combler le vide", dit-il. "L'UE (…) représente environ 5% des exportations canadiennes, tandis que les États-Unis en représentent plus de 75%. Tout réalignement économique sérieux prendrait des décennies".

Quels que soient les obstacles, ces pays ont intérêt à se doter des moyens pour agir de façon plus autonome, que ce soit sur le plan économique, diplomatique ou sécuritaire, estime néanmoins Sylvie Bermann.

"On a longtemps considéré que le premier mandat de Donald Trump était l'exception et celui de Joe Biden la règle. Ce n'est pas le cas", résume-t-elle, rappelant les faits: "Depuis plus d'une décennie, sinon davantage, puisque c'était déjà le cas avec Barack Obama, les États-Unis se désintéressent de l'Europe".

Par Delphine TOUITOU, AFP

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