
Trois semaines après l'appel du chef historique du PKK Abdullah Öcalan à déposer les armes, resté pour l'heure sans effet, les Kurdes de Turquie s'apprêtent vendredi à célébrer Nowruz, le Nouvel An kurde, sans la paix espérée.
À cette occasion le fondateur du Parti des Travailleurs du Kurdistan, toujours populaire et respecté malgré vingt-six ans de détention, pourrait délivrer un nouveau message de paix.
C'est du moins ce qu'espère le DEM, principal parti prokurde de Turquie, troisième force au parlement, qui a rendu visite à trois reprises au vieux chef détenu depuis 1999 sur l'île-prison d'Imrali, au large d'Istanbul, et avait ainsi rapporté son message "pour la paix", lu le 27 février à Istanbul.
Mais alors que les rassemblements et festivités se préparent dans le sud-est de la Turquie et la plus grande ville à majorité kurde du pays, Diyarbakir, l'arrestation récente du maire d'Istanbul, figure de l'opposition et principal opposant au président Recep Tayyip Erdogan, vient compliquer la situation, estiment les experts.
Le commandement militaire du PKK, replié dans les montagnes de Qandil, dans le nord de l'Irak, a répondu favorablement à l'appel de son chef historique, se disant prête à déposer les armes immédiatement.
Elle appelle également "Apo" (oncle, en kurde) à présider en personne le congrès du PKK prononçant sa dissolution.
Une date et un lieu
En retour le chef de l'Etat turc, Recep Tayyip Erdogan, a juré le 1er mars de poursuivre les opérations anti-PKK "si les promesses faites ne sont pas tenues".
Aucune précision logistique n'a été apportée jusqu'ici sur la faisabilité d'un tel congrès, ni sur le déplacement de M. Öcalan, 75 ans.
Mais jeudi, le principal allié de M. Erdogan, le nationaliste Devlet Bahçeli, a proposé une date, le 4 mai et un lieu, Malazgirt, dans l'extrême Est du pays, près du lac de Van.
"L'organisation terroriste séparatiste PKK doit immédiatement convoquer son congrès et prendre la décision de se dissoudre, déposer ses armes et les rendre à la République afin d'éviter que l'appel d'Imrali du 27 février ne soit retardé (et) gâché", a déclaré celui qui fut l'initiateur inattendu de ce rapprochement.
Depuis l'appel de M. Öcalan, les bombardements ont régulièrement frappé des positions kurdes, a dénoncé la semaine dernière l'un des dirigeants du PKK, Cemil Bayik, sur une chaine de télévision kurde.
"Tenir un congrès dans ces conditions est impossible et dangereux", ajoutait-il.
En outre, un autre front préoccupe les autorités turques dans le nord-est de la Syrie. Ankara demande à Damas d'expulser les combattants du PKK, présents au sein des Forces démocratiques syriennes (FDS).
L'accord récent entre les nouvelles autorités de Damas proches d'Ankara et les FDS, dominées par les Kurdes, va "servir la paix", a salué M. Erdogan.
Mais depuis, le DEM a vivement condamné l'arrestation du maire d'Istanbul pour "corruption" et "terrorisme", qui vise des liens supposés avec le PKK.
L'arrestation d'Imamoglu, après la destitution de dix maires DEM du pays depuis l'an passé, risque d'entraver les efforts de collaboration du gouvernement avec l'opposition, note Hamish Kinnear, analyste risques au cabinet d'intelligence économique Verisk Maplecroft.
"Pour l'instant, ils (le PKK) n'ont aucune motivation, compte tenu du chaos qui règne en Turquie. Si les choses se déroulent mieux en Syrie, cela pourrait leur ouvrir une porte", estime également Gönül Tol, du Middle East Institute à Washington.
Par Anne CHAON-AFP
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