Turquie: la contestation se durcit après l'arrestation du maire d'Istanbul
Un officier de la police anti-émeute turque tire une bombe lacrymogène lors d'un affrontement avec des étudiants de l'Université technique du Moyen-Orient (ODTU). La police utilise des gaz lacrymogènes et des canons à eau pour disperser les manifestants lors d'une manifestation contre l'arrestation du maire d'Istanbul, à Ankara, le 20 mars 2025. ©Adem ALTAN / AFP

La contestation menace de s'étendre vendredi en Turquie avec de nouveaux appels à manifester en soutien à Ekrem Imamoglu, maire d'Istanbul et principal opposant au président Erdogan, au surlendemain de son arrestation pour "terrorisme" et "corruption".

Özgür Özel, le chef du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), première force d'opposition à laquelle appartient M. Imamoglu, a appelé les Turcs à sortir dans les rues à 20H30 (17H30 GMT), après le repas de rupture du jeûne du ramadan, malgré les mises en garde des autorités.

"Désormais, personne ne doit s'attendre à ce que le CHP fasse de la politique dans des salles ou des bâtiments. Désormais, nous sommes dans la rue et sur les places", a prévenu jeudi soir M. Özel devant l'hôtel de ville d'Istanbul, où des milliers de manifestants étaient réunis pour le deuxième soir d'affilée.

Deux ponts et plusieurs grandes axes permettant d'atteindre le siège de la municipalité d'Istanbul ont été fermés à la circulation vendredi pour 24 heures.

Au total, des manifestations se sont tenues depuis mercredi dans au moins 32 des 81 provinces turques, selon un comptage de l'AFP.

Le ministre de la Justice, Yilmaz Tunç, a qualifié d'"illégaux et inacceptables" les appels répétés de l'opposition à manifester.

"Spectacles de l'opposition" 

À Istanbul, où les rassemblements ont été interdits jusqu'à dimanche, la situation s'est tendue jeudi soir et la police a fait usage de gaz lacrymogène et de balles en caoutchouc pour bloquer des manifestants qui voulaient se diriger vers l'emblématique place Taksim depuis l'hôtel de ville.

La police a également fait usage de canons à eaux et de balles en caoutchouc à Ankara, ont constaté des journalistes de l'AFP.

53 personnes ont été interpellées et 16 policiers ont été blessés lors de heurts avec les manifestants, selon les autorités, qui ont interdit tout rassemblement jusqu'à mardi soir à Ankara et Izmir (ouest), la troisième ville du pays, acquise à l'opposition.

Jusque-là silencieux, le président Recep Tayyip Erdogan a commenté jeudi soir cette contestation, inédite depuis les grandes manifestations de 2013 parties de la place Taksim, estimant que la Turquie "n'a pas de temps à perdre avec les spectacles de l'opposition".

Ekrem Imamoglu, dont l'audition par les enquêteurs a démarré vendredi après-midi, selon la chaîne étatique TRT, devait être investi dimanche candidat du CHP à la prochaine présidentielle.

Mais le diplôme universitaire de l'édile, réélu triomphalement l'an dernier après avoir ravi Istanbul en 2019 au parti AKP au pouvoir, avait été annulé mardi soir, quelques heures avant son arrestation, ajoutant un obstacle sur sa route, la Constitution turque exigeant que tout candidat à la présidence justifie d'un diplôme d'enseignement supérieur.

"Ni voleur, ni terroriste" 

Les charges pesant contre lui, en particulier celle de "soutien au terrorisme", font redouter à ses partisans qu'il puisse être incarcéré à l'issue de sa garde à vue dimanche et remplacé par un administrateur nommé par l'État.

"Le maire n'est ni corrompu, ni voleur, ni terroriste", a lancé jeudi soir le chef du CHP à la foule réunie devant l'hôtel de ville d'Istanbul, promettant de "ne pas abandonner la lutte jusqu'à ce qu'Imamoglu et les autres maires emprisonnés soient libérés".

Au total, 90 personnes, arrêtées pour la plupart en même temps que le maire, étaient toujours en garde à vue vendredi, selon la presse turque.

Cette contestation intervient un an après la débâcle subie par le Parti de la justice et du développement (AKP) du président Erdogan lors d'élections municipales, dans un contexte de crise économique.

Les évènements ont pesé vendredi sur la Bourse d'Istanbul: peu après 15H30 (12H30), son indice vedette chutait de près de 7%. Face à ce dévissage, les cotations ont été suspendues à deux reprises dans la matinée.

Par Rémi BANET avec Fulya OZERKAN, AFP

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