
Cela s’appelle “jouer avec le feu”. Ou, en langage plus académique, faire preuve d’une inconscience incommensurable. Une inconscience doublée d’une inqualifiable insouciance, d’un mépris cynique à l’égard de populations tierces, manipulées et sacrifiées pour servir des intérêts qui leur sont totalement étrangers. Le guide suprême de la République islamique, Ali Khamenei, veut nous faire croire que les formations qui prétendent faire de la “résistance” dans le monde arabe agissent de manière totalement indépendante et ne sont nullement des instruments du pouvoir en place à Téhéran.
L’imam Khamenei pourrait peut-être feuilleter à ce propos l’important ouvrage de référence du cheikh Naïm Qassem sur le Hezbollah, dans lequel il explique de manière (réellement) remarquable et minutieuse les fondements du régime de la “wilayat el-faqih” (instauré par Khomeini) qui a amené le “Parti de Dieu” (et a fortiori les autres proxys iraniens) à faire acte d’allégeance inconditionnelle – sur base de considérations religieuses – au guide suprême (le “walih el-faqih”) pour toutes les questions d’ordre stratégique, dont notamment la décision de guerre et de paix.
C’est une insulte à l’intelligence humaine que de vouloir nous faire croire, à titre d’exemple, que 75 ans après le déclenchement du conflit israélo-arabe, les Houthis du Yémen – un peuple défavorisé et déshérité – ont eu un soudain sursaut de conscience pour décider, seuls, de se lancer dans la lutte contre Israël et le monde occidental, bénéficiant subitement à cet effet de grands moyens financiers, technologiques et logistiques pour se doter de missiles balistiques et menacer le trafic commercial en mer Rouge! De qui se moque-t-on donc?
Ce type de cynisme surréaliste, combiné à l’apogée de la supercherie, s’est manifesté une fois de plus le week-end écoulé sur la scène libanaise. En bon élève de leurs maîtres à penser iraniens, les dirigeants du Hezbollah ont cherché ainsi à nous faire croire qu’ils sont totalement étrangers aux tirs de roquettes lancées contre le nord d’Israël quelques heures seulement (hasard, heureux hasard…) après les propos tenus par le Premier ministre Nawaf Salam dans une interview à la chaîne satellitaire al-Arabiya. M. Salam avait affirmé que le triptyque “armée-peuple-résistance” (très cher au Hezb) est désormais dépassé et que la décision de guerre et de paix est du seul ressort de l’État libanais qui doit bénéficier du monopole de la violence légitime.
À l’instar de l’imam Khamenei qui se cache derrière la risible supercherie de “l’indépendance” des formations de la “résistance” – une supercherie qui illustre, soit dit en passant, un signe de faiblesse et d’inquiétude face à la fermeté du président Donald Trump – le Hezbollah se cache régulièrement derrière les “habitants” ou, tout récemment, derrière les tribus du Hermel pour ne pas assumer la responsabilité de ses aventures guerrières. De façon similaire, il a tenté samedi dernier d’afficher son innocence à la suite des nouveaux tirs contre Israël. Une manœuvre qui ne trompe personne, car l’escalade du week-end dernier constitue un indice supplémentaire de la flagrante volonté d’intensifier le conflit manifestée par le camp iranien.
Le régime des mollahs et ses proxys ont multiplié ces derniers temps les signes de leur obstination à se cantonner dans une attitude de déni suicidaire face à l’écrasante suprématie militaire, technologique, logistique et politique à laquelle ils sont confrontés. Les timides tirs de roquettes – ratés, de surcroît – de samedi ont été suivis de raids aériens israéliens intensifs contre nombre de villages du Liban-Sud et de la Békaa. De la même façon, les quelques missiles que les Houthis se sont amusés à tirer ces derniers jours en direction d’Israël et de navires en mer Rouge ont provoqué des bombardements massifs menés par l’aviation américaine contre des dizaines de positions et de centres névralgiques au Yémen.
Cette double escalade militaire – précédée de la tentative de coup de force sanglante en Syrie – s’accompagne de manière concomitante d’une escalade politique, comme l’illustre, entre autres, la campagne assidue et agressive contre le ministre des Affaires étrangères, Youssef Rajji, à qui il est reproché – comble du cynisme et du surréalisme – d’adopter une position souverainiste ferme! Celle-ci ne fait pourtant que reprendre la teneur de la déclaration ministérielle, du discours d’investiture du chef de l’État et de l’interview récente du Premier ministre. Mais il est évidemment plus aisé de s’attaquer au chef de la diplomatie qu’au président de la République ou au locataire du Grand Sérail.
Il est sans doute grand temps, à l’ombre de l’actuel équilibre des forces, régional et international, que les mollahs de Téhéran et les proxys iraniens cessent de jouer à la guerre. Car ce n’est certainement pas avec leurs discours idéologiques creux ou leurs aventures suicidaires en tous points stériles qu’ils pourront surmonter le gigantesque handicap de l’univers technologique, militaire et économique qui les sépare du reste du monde…
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