L’arrestation du maire d’Istanbul: un choc économique pour la Turquie
Un manifestant tient une photo du père fondateur de l'État moderne turc, Mustafa Kemal Atatürk, à côté de drapeaux turcs lors d'un rassemblement en soutien au maire d'Istanbul arrêté, devant l'hôtel de ville d'Istanbul, le 24 mars 2025. ©Angelos Tzortzinis / AFP

L'arrestation récente du maire d'Istanbul, Ekrem Imamoglu, leader de l'opposition au président Recep Tayyip Erdogan, a secoué la scène politique et économique de la Turquie. Cet événement, perçu comme un coup porté à la démocratie, a également agité les marchés financiers, amplifiant les tensions économiques dans un pays déjà confronté à une crise monétaire de longue date. Les répercussions sur la livre turque, l'inflation et la bourse sont significatives, aggravant davantage une situation fragile.

Ekrem Imamoglu, maire d’Istanbul depuis 2019 et membre du Parti républicain du peuple (en turc: Cumhuriyet Halk Partisi ou CHP), principal parti d’opposition, a été incarcéré après avoir été condamné pour “insultes publiques” envers des fonctionnaires du gouvernement. Ce développement intervient à un moment particulièrement difficile pour l’économie turque, déjà confrontée à une inflation galopante et une dévaluation de sa livre.

Le climat politique tendu en Turquie, combiné à cette arrestation, a immédiatement semé l'incertitude parmi les investisseurs. La Turquie, qui souffre déjà de déficits budgétaires, d’une inflation et d’une gestion monétaire instable, se retrouve aujourd’hui dans une situation où les risques politiques sont venus se superposer à la crise économique.

À la suite de l'arrestation d’Imamoglu, la livre turque a subi une chute historique supplémentaire par rapport aux devises internationales, dévissant de 3,7% en cinq jours. La livre turque a ainsi enregistré sa plus importante baisse hebdomadaire depuis presque deux ans, soit la pire performance depuis juin 2023, se traduisant par un échange d’environ 38 livres pour un dollar, lundi, à Istanbul.

L’incertitude politique a provoqué des ventes massives de livres, avec des prêteurs vendant jusqu'à 9 milliards de dollars. En réponse, la banque centrale turque a augmenté ses taux d'intérêt de façon inattendue pour soutenir la monnaie. Selon les experts, cette nouvelle incertitude politique est un facteur aggravant qui renforce la volatilité de la monnaie turque. Il convient de rappeler dans ce cadre que la livre turque, qui a perdu plus de 90% de sa valeur par rapport au dollar américain depuis 2018, continue de se déprécier.

La politique monétaire du gouvernement d'Erdogan, qui repose sur des taux d'intérêt faibles malgré une inflation élevée, n’a pas permis de stabiliser la monnaie. La crainte est que l'arrestation d’Imamoglu et les tensions politiques internes accentuent davantage l'exode des capitaux étrangers, ce qui aggraverait la crise de la livre.

Par ailleurs, l'inflation, déjà à des niveaux historiques, a pris une tournure inquiétante avec l’arrestation du maire d’Istanbul. L’impact immédiat sur les prix des biens et services est devenu plus marqué, notamment dans des secteurs tels que l’alimentation, l’énergie et les produits de consommation courante. Les citoyens turcs sont désormais confrontés à une double peine: une monnaie dévaluée et une inflation galopante, réduisant leur pouvoir d’achat. À noter qu’en novembre 2022, l'inflation en Turquie avait atteint près de 85%, l’un des taux les plus élevés au monde. Bien que l’inflation ait légèrement diminué depuis, elle demeure bien au-dessus de 50% et continue de peser lourdement sur les ménages turcs.

La Bourse d’Istanbul (Borsa İstanbul) a également souffert de cet événement. L’annonce de cette arrestation a conduit à une chute de l’indice boursier de 16,5%, marquant un nouveau signe de méfiance des investisseurs vis-à-vis de la stabilité politique du pays. La Bourse d'Istanbul a évolué de nouveau dans le vert, lundi. Les actions des entreprises cotées en bourse ont été particulièrement touchées, et l’incertitude grandissante pourrait décourager davantage les investissements étrangers.

Par ailleurs, le ministre turc de l'Économie, Mehmet Simsek, a balayé dimanche soir des rumeurs de démission, assurant “travailler et continuer à prendre toutes les mesures nécessaires au bon fonctionnement des marchés”.

Les tensions géopolitiques et internes, combinées à une gestion économique incertaine, ont exacerbé la volatilité des marchés et laissent entrevoir une situation de plus en plus instable pour les investisseurs et les entreprises opérant en Turquie.

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