Macron et Tebboune optent pour une relance de la relation franco-algérienne
Le président français Emmanuel Macron (gauche) serre la main du président algérien Abdelmadjid Tebboune (droite) alors qu'ils posent pour une photo de famille avec les dirigeants du G7 et les chefs de délégation des pays invités au complexe de Borgo Egnazia, lors du sommet du G7 organisé par l’Italie à Savelletri, le 14 juin 2024. ©Ludovic Marin / AFP

Les présidents français Emmanuel Macron et algérien Abdelmadjid Tebboune ont acté lundi une relance de la relation bilatérale, après des mois de crise, qui reste toutefois suspendue à la libération de l'écrivain Boualem Sansal et à des enjeux de politique intérieure dans les deux pays.

Les deux présidents, qui se sont entretenus le jour de l'Aïd el-Fitr marquant la fin du ramadan, ont marqué "leur volonté de renouer le dialogue fructueux" engagé lors de la visite d'Emmanuel Macron à Alger en août 2022, selon un communiqué commun.

"Ils sont convenus que la force des liens – en particulier humains – unissant la France et l'Algérie, les intérêts stratégiques et de sécurité respectifs des deux pays, les défis et crises auxquels l'Europe, la Méditerranée et l'Afrique étaient confrontées exigeaient le retour à ce dialogue d'égal à égal".

Ils ont ainsi décidé de "la reprise sans délai de la coopération sécuritaire", essentielle pour la lutte contre le terrorisme, notamment au Sahel, et contre les trafics humains.

La coopération migratoire, au coeur de la crise ces dernières semaines, doit "être immédiatement réinitiée, dans une logique de résultats répondant aux préoccupations des deux pays", ont également les deux dirigeants, qui ont toujours joué la carte de leur relation personnelle pour surmonter les difficultés entre les deux pays.

La question de la réadmission dans leur pays d'origine des Algériens sous obligation de quitter le territoire français (OQTF), brandie à de multiples reprises par le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau, a enflammé les relations bilatérales.

"Rencontre prochaine"

La crise a atteint son paroxysme après l'attentat de Mulhouse (est) ayant fait un mort le 22 février, commis par un Algérien qui avait fait l'objet de plusieurs demandes de réadmission, refusées par l'Algérie.

Mais la volonté d'apaisement semblait prévaloir ces derniers jours. Et au sein du gouvernement français, les voix les plus critiques d'Alger, dont celle de Bruno Retailleau, se sont fait plus discrètes.

Les deux présidents ont aussi marqué leur volonté de "poursuivre et finaliser le travail de mémoire" sur la colonisation de l'Algérie par la France (1830-1962) et la guerre d'indépendance (1954-1962), qui continuent de peser sur la relation bilatérale.

La commission mixte d'historiens mise en place par les deux capitales, qui était à l'arrêt depuis plusieurs mois, va reprendre "sans délai" ses travaux afin de remettre des "propositions concrètes" aux deux chefs d'État "avant l’été 2025".

Le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot va se rendre à Alger le 6 avril afin de "donner rapidement" le nouvel élan souhaité à la relation. Le ministre français de la Justice Gérald Darmanin effectuera de même une visite prochainement pour relancer la coopération judiciaire.

Les deux présidents ont arrêté de leur côté "le principe d'une rencontre prochaine", est-il encore indiqué, sans plus de précisions. Ils ont insisté également sur leur volonté de "développer la coopération économique" franco-algérienne, prisonnière des aléas politiques entre les deux pays.

La relation bilatérale a connu un violent coup de frein après l'annonce par Emmanuel Macron en juillet 2024 de son soutien appuyé à un plan d'autonomie sous souveraineté marocaine pour le Sahara occidental, un territoire au statut non défini selon l'ONU, revendiqué par les indépendantistes du Polisario, soutenus par Alger.

"Pas la normalisation"

À l'automne, la brouille s'est aggravée avec l'arrestation de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, condamné jeudi à cinq de prison ferme, pour des propos tenus sur le média français Frontières, réputé d'extrême droite, considérés comme portant atteinte à l'intégrité du territoire algérien.

Emmanuel Macron a appelé son homologue à un "geste de clémence et d'humanité" envers Boualem Sansal, "compte tenu de l'âge et de l'état de santé de l'écrivain". Une grâce présidentielle a été évoquée.

La libération de l'écrivain est réclamée avec insistance en France, notamment à droite et à l'extrême droite de l'échiquier politique.

"C'est la fin d'une crise, mais pas encore la normalisation totale qui est conditionnée à la libération de Boualem Sansal", relève Hasni Abidi, directeur du Centre d'études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen à Genève.

La relation bilatérale risque de continuer à naviguer au gré des intérêts politiques en France, à deux ans de l'élection présidentielle, tout comme en Algérie où la question mémorielle est régulièrement agitée.

"La question de l'Algérie, mémorielle, celles des OQTF, de la sécurité, des relations économiques vont rester un élément central jusqu'en 2027", prédit Hasni Abidi.

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