
Des poumons au cerveau, et jusqu'au sang, on a retrouvé des microplastiques dans presque toutes les parties du corps humain. Et si les scientifiques n'ont pas de certitudes jusqu'ici sur leurs impacts sur la santé, plusieurs alertent sur des risques, connus ou émergents.
Expositions à foison
Dans les eaux, les airs, les sols, mais aussi dans des aliments, des emballages, des textiles, des pneus ou des cosmétiques, des microparticules de plastiques (moins de 5 millimètres) se retrouvent partout. Chaque jour, les humains en ingèrent, en inhalent ou sont en contact avec ces particules par leur peau.
Dernier exemple: les chewing-gums relâchent des centaines de microplastiques dans la bouche, selon une récente étude, présentée devant l'American Chemical Society mais pas encore diffusée dans une publication avec revue par les pairs.
Dans les poumons, le cœur, le foie, les reins, le cerveau ou encore le sang: des scientifiques ont trouvé des microplastiques dans quasiment tout le corps.
"Nous sommes ici parce que des microplastiques ont été trouvés dans le placenta de femmes en bonne santé", a lancé fin novembre le délégué du Panama lors des négociations en Corée du Sud pour un traité mondial contre la pollution plastique. "Nous sommes littéralement en train d'élever une génération qui commence sa vie polluée avant même sa première respiration", s'est exclamé Juan Carlos Monterrey Gomez.
Et, selon une coalition de scientifiques pour un traité efficace sur les plastiques, "les disparités physiologiques, socio-démographiques et géographiques conduisent certaines populations à être plus exposées à la pollution plastique et/ou à des risques accrus d'impacts sur la santé".
Equations à plusieurs inconnues
La présence de microplastiques, voire de nanoplastiques (1.000 fois plus petits), dans l'organisme a été associée à des effets sur la santé dans de multiples études.
Parmi les dernières remarquées, une étude au printemps 2024 dans le New England Journal of Medicine a montré une association entre l'accumulation de ces particules dans les vaisseaux sanguins et un risque accru de crise cardiaque, d'AVC, voire de décès, chez certaines personnes atteintes d'une maladie touchant les artères.
Sur plus de 16.000 substances chimiques utilisées ou retrouvées dans des plastiques commercialisés, plus d'un quart présentent des risques connus pour la santé, selon la coalition de scientifiques internationaux. Cela inclut "l'infertilité, l'obésité et des pathologies non transmissibles telles que le diabète, les maladies cardiovasculaires, et de nombreux cancers".
A ce jour, une relation de cause à effet n'a pas pu être établie avec l'exposition humaine à ces cocktails complexes de polymères et d'additifs chimiques, auxquels peuvent s'ajouter des contaminants comme des bactéries ou encore des virus, par un effet "cheval de Troie".
Le plus souvent, les études préoccupantes, en nombre croissant, ont été faites en laboratoire, parfois sur des cellules humaines ou des modèles animaux.
Certains observateurs y voient une limite. Mais 2.000 études animales passées en revue portent "sur des systèmes biologiques très similaires à ceux de l'homme", et "des données animales sont utilisées depuis des décennies pour identifier les substances cancérigènes ou reprotoxiques", selon le Pr Tracey Woodruff, de l'université de Californie.
Le niveau d'exposition aux microplastiques reste incertain.
Un rapport choc de l'ONG WWF avait ainsi estimé, en 2019, qu'un humain ingère et inhale jusqu'à 5 grammes de plastique par semaine, l'équivalent d'une carte de crédit. Les résultats et la méthodologie ont été contestés, et divers travaux scientifiques ont évoqué ensuite des estimations moindres, ou très variables selon les régions du monde.
Pour l'impact des micro et nanoplastiques sur la santé, beaucoup d'inconnues demeurent: rôle de la forme, de la taille, du type de plastique ou d'additif...
Régulations, précautions
Démarrées au début des années 2000, les recherches sur les microplastiques et la santé doivent continuer, mais les premiers résultats constituent "un signal d'alarme", considèrent plusieurs experts interrogés par l'AFP.
Certains redoutent même "une bombe à retardement" sans mesures significatives et contraignantes pour réduire la présence d'un plastique polluant à toutes les étapes de son cycle de vie.
Après l'échec de négociations en décembre face à l'opposition d'un groupe de pays pétroliers, une session supplémentaire pour un traité contre la pollution plastique est prévue en août à Genève.
Individuellement, réduire son exposition est un "principe de précaution", jugent divers spécialistes.
Dans leurs conseils: éviter les bouteilles en plastique, ne pas réchauffer de nourriture dans du plastique, privilégier les vêtements en matières naturelles, ventiler son intérieur.
Par Isabelle CORTES, AFP
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