Un déficit de la balance commerciale est-il si terrifiant que ça?
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S’il y a une chose sur laquelle la vaste majorité des économistes sérieux sont d’accord, qu’ils penchent politiquement à gauche ou à droite, c’est que le libre-échange et le commerce sont bénéfiques à la nation. Cette vérité est pourtant contestée aujourd’hui; les déficits de la balance commerciale font couler beaucoup d’encre dans la presse, et ils servent à justifier des politiques contre-productives. Derrière cette controverse se cache une confusion fondamentale entre les symptômes et les causes.

Une pièce d’un puzzle plus vaste

Avant de diaboliser ou de défendre le déficit commercial, encore faut-il comprendre de quoi il s'agit exactement. La balance commerciale est simplement la différence entre les exportations et les importations de biens d’un pays. Lorsqu’un pays importe plus de biens qu’il n’en exporte, il enregistre un déficit commercial. Ce chiffre ne raconte pourtant qu’une partie de l’histoire.

En 2023, le déficit commercial américain s'élevait à environ 773 milliards de dollars, soit 2,9% de son PIB. Pour la France, ce déficit atteignait 100 milliards d'euros, représentant près de 3,6% de son PIB.

En réalité, la balance commerciale est une composante d’un ensemble plus large: le compte des transactions courantes. Ce dernier inclut, en plus du commerce de biens, les services (comme le tourisme ou les services bancaires), les revenus des investissements à l’étranger (dividendes, intérêts), ainsi que les transferts courants (comme les envois de fonds des expatriés). Le déficit ou l’excédent du compte courant reflète donc non seulement les biens échangés, mais aussi les mouvements d’argent liés aux services et aux revenus.

Mais même le compte courant n’est pas l’image complète. Il est l’une des deux grandes composantes de la balance des paiements, un document comptable qui retrace l’ensemble des échanges économiques d’un pays avec le reste du monde. L’autre grande composante, souvent ignorée du grand public, est le compte de capital et financier, qui enregistre les mouvements de capitaux: investissements étrangers, achats de titres, emprunts internationaux, etc.

Un déficit qui cache un excédent

Voici la clé: un déficit du compte courant (et donc de la balance commerciale) est automatiquement compensé par un excédent du compte de capital et financier. C’est une relation comptable incontournable.

Si un pays importe plus qu’il n’exporte, il doit financer cette différence en obtenant des devises étrangères et en attirant des capitaux étrangers: autrement dit, d’autres pays investissent dans son économie, achètent ses obligations, déposent de l’argent dans ses banques ou acquièrent des actifs nationaux.

Un déficit commercial n’est donc pas synonyme d’appauvrissement; il peut tout aussi bien refléter la confiance des investisseurs étrangers dans l’économie du pays concerné. Les États-Unis, par exemple, enregistrent des déficits commerciaux chroniques depuis des décennies, et pourtant leur économie reste parmi les plus attractives au monde pour les capitaux.

Les déficits bilatéraux n'ont aucun sens

Une autre erreur courante consiste à utiliser les balances commerciales bilatérales (par exemple, le déficit commercial des États-Unis avec la Chine) comme indicateurs de problèmes économiques. Sauf que le monde, en 2025, compte plus que deux pays, et un déficit avec un partenaire commercial ne nous dit presque rien sur la position financière globale d'un pays.

Les chaînes d'approvisionnement mondiales compliquent encore davantage la situation. Les statistiques commerciales traditionnelles sont déclarées sur une base “brute”, ce qui signifie que le coût total d'un bien importé est attribué au pays d'où il est expédié, même si ce bien contient des pièces et des matériaux provenant de nombreux autres pays. Un iPhone importé de Chine est entièrement attribué à la Chine dans les statistiques commerciales, alors que la majorité de sa valeur est produite ailleurs.

En définitive, loin d’être un simple indicateur comptable, le déficit commercial traduit les équilibres complexes entre consommation domestique, investissement étranger et intégration dans les chaînes de valeur mondiales. La meilleure réponse consiste à lever les barrières au commerce, à simplifier la fiscalité, à garantir la sécurité juridique et à laisser chaque entreprise exploiter ses avantages comparatifs. C’est en libérant les échanges et en renforçant la concurrence que l’on stimule l’innovation, diversifie les exportations et assure une croissance saine et durable. C’est d’ailleurs la recette derrière la prospérité des économies de marché.

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