
Le Liban, fragile bastion de la souveraineté, vacille de plus en plus sous les pressions internes et externes. En cette période incertaine, la scène politique évolue à l'ombre du mouvement Kulluna Irada, un groupe qui, à l'image de ses représentants, semble naviguer dans une mer de contradictions et entend étendre ses tentacules à plus d’un rivage.
Les derniers développements, en particulier l’intervention du ministre de la Culture, Ghassan Salamé, ont mis en lumière un tournant inquiétant, qui s’oppose fondamentalement à la stratégie gouvernementale. Lors de son intervention télévisée lundi sur la chaîne Al-Jadeed, M. Salamé a semblé “s’attendrir” face au Hezbollah, allant à l’encontre des principes mêmes de la déclaration ministérielle et des préceptes du gouvernement nouvellement formé, qui prône la préservation de la souveraineté libanaise et le renforcement de son indépendance face à toute ingérence étrangère.
Au lendemain de la visite à Beyrouth de l’envoyée spéciale adjointe du président américain pour le Moyen-Orient, Morgan Ortagus, M. Salamé n’a pas manqué d’exprimer des positions particulièrement conciliantes envers le Hezbollah. Adoptant une posture presque complaisante vis-à-vis de la milice pro-iranienne, il a déclaré (lui, ministre de la Culture) que le Liban ne pouvait désarmer le Hezbollah dans l’immédiat, dénonçant ainsi toute pression extérieure. “Aucun pays ne peut imposer un choix au Liban”, a-t-il martelé dans le cadre de son entretien, avant de se pencher sur un dossier qui devrait normalement relever de la compétence d’autres ministères, celui de la délimitation des frontières terrestres avec Israël. Selon lui, le Liban “n’est pas prêt à entamer des négociations”. De quoi s’interroger sur les motifs et les fondements d’une telle assertion.
Des discours en dissonance avec la souveraineté nationale
Pour Kulluna Irada, qui s’est longtemps présenté comme un acteur modéré et progressiste sur l’échiquier politique libanais, les masques sont aujourd’hui tombés. Le mouvement semble s’égarer dans des jeux politiques dangereux. Censée – comme elle le prône – “incarner l’avenir du Liban“, l’association (qui n’en est pas une) apparaît de plus en plus comme un compromis fragile entre ambitions personnelles, alliances opportunistes et soutien financier douteux. Les discours de plusieurs de ses ministres, à commencer par celui de la Culture, Ghassan Salamé, mais aussi celui de l’ancien ministre des Affaires étrangères, Tarek Mitri, montrent un glissement notable de la ligne idéologique, ravivant par conséquent les débats sur leurs orientations politiques.
En mars dernier, M. Mitri, l'un des artisans de la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU, a été vivement critiqué par certains bords politiques pour des propos qu’il avait tenus au sujet du désarmement du Hezbollah. Il avait alors considéré qu’il est impossible de fixer des délais pour un désarmement du Hezbollah par la force et que, pour ce faire, renforcer les capacités de l’armée libanaise en est une condition sine qua non.
Cette prise de position apparaît comme de plus en plus conciliante avec des forces qui nuisent à la stabilité et à l’autonomie du Liban, et qui se retrouvent au cœur de jeux d’influences où la loyauté envers la souveraineté nationale n’est pas due.
Législatives de 2026: la fin justifierait-elle les moyens?
Depuis sa fondation, le mouvement Kulluna Irada n’a cessé d’alimenter les rumeurs sur sa ligne politique et sur ses sources de financement, souvent floues et difficiles à vérifier. Quand bien même l’association prône une gestion transparente et une approche moderne de la politique, les soupçons de liens avec des fonds étrangers restent omniprésents. De fait, là où les partis traditionnels se battent pour préserver leurs bastions, Kulluna Irada serait à la recherche d’une nouvelle forme de pouvoir, moins attachée aux principes de souveraineté et davantage ouverte aux alliances tactiques. Certains observateurs s’interrogent: le groupe serait-il en train de chercher de nouveaux alliés en vue des prochaines élections législatives de mai 2026, un scrutin qui s’annonce déjà comme un tournant crucial pour l’avenir politique du Liban?
Aujourd’hui, la scène politique libanaise est en plein mouvement et Kulluna Irada devra répondre à tous les questionnements avec clarté et transparence, d’autant que son existence politique en dépend. Entre doute sur les sources de financement, incohérence dans les discours et compromissions politiques, l’association et ses ministres semblent perdre peu à peu leur boussole morale et stratégique, au risque de devenir un simple instrument au service d’intérêts personnels et internationaux. L’avenir du Liban, lui, mérite mieux.
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