
Ils peuvent réaliser beaucoup des tâches confiées jusqu'ici à un agent de voyage humain, mais aussi accompagner le client en déplacement et faire des suggestions en temps réel: les assistants IA sont en passe de révolutionner l'industrie du tourisme, sur internet et au-delà.
Une envie de Mexique, sans idée claire sur la région, l'itinéraire ou la période? En quelques secondes, l'intelligence artificielle générative de Mindtrip crée un parcours sur mesure avec suggestions d'hôtels, restaurants, visites et activités, sur simple requête écrite.
Une fois les options choisies, toutes les étapes du voyage peuvent être réservées, directement dans l'application ou sur des sites partenaires qui s'ouvrent à la bonne page.
« Plutôt que d'aller sur Google et faire une recherche après l'autre, repartir de zéro à chaque fois, vous proposez tout ce que veut le consommateur, presque comme un agent de voyage numérique », explique Andy Moss, patron de Mindtrip, lancé il y a à peine plus d'un an.
D'autres startups, Vacay notamment, se sont aussi positionnées sur ce créneau. Certaines, comme Navan, sont dédiées aux entreprises.
Les géants de l'IA générative, Google avec Gemini, OpenAI avec Operator ou Anthropic avec Claude, promeuvent aussi toujours plus leurs assistants pour préparer des vacances.
Les acteurs historiques de la réservation sur internet commencent à leur emboîter le pas, avec plus ou moins d'entrain.
Expedia a lancé en 2024 son assistant Romie, mais seulement pour certaines étapes de planification, principalement pour les voyages en groupe.
Fin octobre, son grand rival Booking.com a introduit SmartFilter, qui permet de demander, par exemple, une recommandation d'hôtel à Amsterdam avec vue sur un canal.
« Ce n'est encore que le début mais nous pensons que les agents IA vont nous permettre d'apporter de la valeur aux voyageurs et à nos partenaires », explique à l'AFP Rob Francis, responsable technologique de Booking.com.
L'IA générative permet « de donner des réponses pertinentes à des questions en langage courant », souligne-t-il, « ce qui renforce la relation » entre utilisateur et plateforme.
Club Med déploie progressivement une fonctionnalité WhatsApp, via laquelle les clients peuvent poser des questions pratiques, décrit à l'AFP Henri Giscard d'Estaing, président du groupe.
« Quand c'était une réponse humaine, cela prenait 1h30 en moyenne », poursuit-il. « Là, c'est instantané et c'est un outil de productivité pour nous. »
Outre son application grand public, Mindtrip propose des versions adaptées aux collectivités, aux groupes hôteliers ou aux tour-opérateurs.
Temps réel
Ces sites d'un nouveau genre « capitalisent sur le fait que les gens veulent des services personnalisés », relève Jukka Laitamaki, professeur à la New York University, spécialisé dans l'économie du tourisme.
Et l'IA peut aller bien au-delà de la préparation et des réservations.
« En cas de changements en temps réel, d'itinéraire, d'avis, de conditions de sécurité (...), vous n'avez pas besoin d'appeler quelqu'un. Vous le saisissez juste dans l'appli », qui reconfigure votre voyage instantanément, explique-t-il.
Même si les agents IA sont déjà disponibles, « leur adoption à grande échelle va être lente », avertit Eva Stewart, du cabinet de conseil GSIQ, « car l'industrie du tourisme est surtout composée de petits acteurs, hôtels, tour-opérateurs et agences régionales, qui n'ont pas les infrastructures pour intégrer l'IA à grande échelle ».
Jukka Laitamaki voit un tableau sensiblement différent côté consommateurs.
« Ils savent déjà se servir de ChatGPT », rappelle l'universitaire, anticipant la montée en puissance de ces agents de voyage numériques dans les deux prochaines années.
Si les startups sont pionnières, Eva Stewart voit les grandes plateformes historiques reprendre le dessus, à terme, grâce à « leurs vastes ressources et leurs capacités techniques ».
« Elles ont un gros avantage », ajoute Jukka Laitamaki, « parce qu'elles ont une base de clients. »
« Je n'ai pas le sentiment que la concurrence se durcisse », réagit Rob Francis, mais « nous n'avons pas l'intention de ralentir en matière d'innovation ».
Pour Jukka Laitamaki, Airbnb pourrait aussi tirer son épingle du jeu, avec son offre différenciée.
Responsable du développement, Dave Stephenson indique qu'Airbnb veut prendre son temps pour évaluer ce qu'un agent IA apporterait à la plateforme de réservation de logements.
« Coller un simple chatbot sur le site n'est pas la bonne solution », affirme-t-il à l'AFP.
À l'autre bout du spectre, les agents de voyage humains, qui constituent encore une partie considérable de l'écosystème du tourisme mondial, apparaissent fragilisés.
« Cela n'aura pas forcément d'impact sur les clients les plus aisés », qui s'en remettront toujours à un agent physique, anticipe Jukka Laitamaki, « mais cela va jouer sur tous les autres ».
Par Thomas URBAIN, AFP
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