
À peine entamée, la relance des relations diplomatiques entre Paris et Alger est déjà mise à rude épreuve. En cause: la mise en examen en France d’un agent consulaire algérien dans une affaire présumée d’enlèvement visant l’opposant controversé Amir Boukhors, alias Amir DZ. L’Algérie dénonce «une violation grave du droit international», et expulse douze agents français. Une crise de plus dans une relation à géométrie variable.
Une relance fragile, vite avortée
Fin mars, Emmanuel Macron appelle Abdelmadjid Tebboune à l’occasion de l’Aïd el-Fitr. Une manière d’apaiser les tensions récurrentes entre les deux capitales. Une semaine plus tard, le 6 avril, le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot, se rend à Alger. Il y rencontre son homologue, Ahmed Attaf, pour relancer les grands dossiers bilatéraux: mémoire, économie, mobilités, sécurité, coopération consulaire… Même la commission mixte des historiens, gelée depuis des mois, est remise sur les rails. L’affaire Boualem Sansal est évoquée. L’atmosphère semble détendue, constructive.
Mais cette parenthèse diplomatique n’aura duré que quelques jours.
L’arrestation qui a tout fait basculer
Vendredi 11 avril, trois ressortissants algériens sont mis en examen à Paris pour «enlèvement et séquestration en lien avec une entreprise terroriste». Parmi eux: un agent consulaire en poste au consulat d’Algérie à Créteil. Les faits remontent à 2024 et concernent l’influenceur algérien en exil Amir Boukhors, plus connu sous le nom d’Amir DZ.
Le parquet national antiterroriste français (Pnat) accuse les trois hommes d’avoir participé à une tentative d’enlèvement visant Boukhors, considéré à Paris comme un opposant politique. Une accusation grave, aux conséquences immédiates.
La riposte d’Alger: expulsions et communiqué de crise
Dès le 13 avril, Alger convoque l’ambassadeur de France. Le ministère des Affaires étrangères publie un communiqué au ton particulièrement dur. Il dénonce une atteinte «inédite» aux usages diplomatiques, une arrestation «en pleine voie publique» sans notification préalable et une «violation des immunités consulaires».
Mais surtout, Alger conteste la nature même de l’affaire: pour les autorités algériennes, Amir DZ n’est pas un opposant, mais «un voyou, un énergumène, un activiste subversif lié à des organisations terroristes». Un homme accusé de «diffamation», d’«humiliations publiques» et de «divulgation de vidéos privées», peut-on lire dans le même communiqué. Cette divergence de perception est au cœur du malentendu.
L’Algérie exige la libération immédiate de son agent et annonce, ce lundi 14 avril, l’expulsion de 12 agents français, qui doivent quitter le territoire sous 48 heures.
Paris menace de représailles immédiates
Dans une déclaration écrite, transmise à des journalistes, le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot, a appelé Alger à faire marche arrière: «Je demande aux autorités algériennes de renoncer à ces mesures d’expulsion sans lien avec la procédure judiciaire en cours», a-t-il déclaré. Et de prévenir: «Si la décision de renvoyer nos agents était maintenue, nous n’aurions d’autre choix que d’y répondre immédiatement».
Deux visions irréconciliables d’Amir DZ
C’est là toute la complexité de cette crise: la figure d’Amir DZ divise profondément. À Paris, il est vu comme un exilé politique, protégé par la liberté d’expression. À Alger, il est sous mandat d’arrêt, classé comme terroriste et accusé d’atteintes graves à la vie privée et à la sécurité nationale.
Vendredi, la chaîne publique France 2 lui consacre même un long reportage. Une exposition médiatique perçue comme une provocation supplémentaire par Alger.
Encore un rendez-vous manqué
Ce nouvel épisode confirme la fragilité des tentatives de rapprochement entre la France et l’Algérie. Depuis l’indépendance, en 1962, les deux pays oscillent entre gestes symboliques et crispations chroniques. L’affaire Amir DZ s’inscrit dans cette longue suite de tensions, où chaque avancée semble aussitôt effacée par un incident imprévu, souvent interprété comme une humiliation de l’un par l’autre. La rencontre annoncée, mais sans date, entre Macron et Tebboune, semble désormais compromise. La visite de Gérald Darmanin à Alger également.
La relance avortée en chiffres et faits
Fin mars 2025
• Entretien téléphonique Macron-Tebboune (vœux de l’Aïd).
• Relance des discussions sur la mémoire, l’économie, la sécurité, les mobilités.
6 avril 2025
• Visite de Jean-Noël Barrot à Alger.
• Dialogue réactivé entre les services de renseignement.
• Projets agroalimentaires et industriels remis à l’ordre du jour.
• Accord pour relancer la commission mixte des historiens.
• Appel à la libération de Boualem Sansal.
11 avril 2025
• Mise en examen de trois Algériens à Paris, dont un agent consulaire.
• Accusation: enlèvement en lien avec une entreprise terroriste.
14 avril 2025
• Alger convoque l’ambassadeur de France.
• Éjection de douze agents français dans les deux jours.
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