Un demi-siècle d'équilibre aéronautique en jeu: Airbus et Boeing face à Trump
Le logo de Boeing photographié dans l'usine de l'entreprise à Renton, dans l'État de Washington, le 15 avril 2025. ©Jason Redmond / AFP

Après un demi-siècle de statu quo sur le marché mondialisé de l'aéronautique, le conflit commercial déclenché par Donald Trump secoue Airbus, qui se prépare au pire, mais bouscule aussi Boeing, son principal concurrent américain.

QUESTION - Quelle est la situation?

REPONSE - La situation est volatile « avec des incertitudes sur les taxes définitives et les exemptions potentielles », résume Airbus.

Depuis le 12 mars, une surtaxe douanière de 25% s'applique sur les importations aux États-Unis d'aluminium et d'acier, matériaux phares de l'aéronautique.

L'ensemble des produits (dont les avions) importés d'Europe doivent eux s'acquitter d'une surtaxe de 10%, qui pourrait monter à 20% à l'issue du sursis de 90 jours annoncé par le président américain le 9 avril.

En tant qu'importateur américain pour son usine d'assemblage à Mobile à Alabama, Airbus était aussi exposé aux droits de douane appliqués au Canada et au Mexique où sont installés beaucoup de sous-traitants aéronautiques. Mais une exception a finalement été décidée.

Depuis 1979, l'industrie aéronautique était exemptée de droits de douane ce qui lui a permis « de prospérer des deux côtés de l'Atlantique », a souligné lundi Olivier Andriès, directeur général de Safran qui fournit les moteurs à Airbus et à Boeing.

« C'était gagnant-gagnant et les premiers qui vont souffrir, ce sont les acteurs américains », assure-t-il, ajoutant que certains messages ont déjà « fait reculer » l'administration américaine.

Q - Les droits de douane menacent-ils davantage Boeing qu'Airbus?

R - « Boeing est bien plus exposé », selon Leeham News and Analysis, média américain spécialisé dans l'analyse du secteur aéronautique.

Les surtaxes douanières imposées par Trump exposent Boeing au risque de représailles de nombreux pays alors qu'Airbus n'y fait face qu'aux États-Unis, argumente Leeham.

Plus de la moitié des livraisons de Boeing concernent des clients non-américains sur la période 2022-2025, soit beaucoup plus que les livraisons d’Airbus à des compagnies basées aux États-Unis (17% en 2024), souligne Pascal Fabre, directeur général au sein du cabinet de conseil AlixPartners interrogé par l'AFP.

La Chine a d'ores et déjà ordonné à ses compagnies aériennes de suspendre toute réception d'avions de Boeing, mais aussi « de stopper tout achat d'équipements et de pièces détachées pour avions auprès d'entreprises américaines».

Le directeur général de Ryanair, première compagnie aérienne d'Europe en nombre de passagers, a aussi menacé mardi de retarder les réceptions d'avions commandés à Boeing.

Avec ses ses lignes d'assemblage réparties entre Toulouse en France, Hambourg en Allemagne, Tianjin en Chine et Mobile aux États-Unis, Airbus a plus de flexibilité notamment pour la famille A320 qui représente l’essentiel de ses livraisons (88% en 2024), ajoute-t-il.

La majorité des pièces des Airbus assemblés à Mobile viennent d'Europe et pourraient subir les droits de douane. Mais Airbus, dont le carnet de commandes affiche complet jusqu'à la fin de la décennie, pourrait choisir de privilégier les compagnies non-américaines.

Q - Quelle pourrait être la réponse de l'Europe?

R - « Ferme sans être symétrique, qui fasse mal si la négociation n'est pas possible », résume Olivier Andriès.

La filière européenne souhaiterait voir taxés les Boeing assemblés mais pas les composants, car sur ces derniers, l'avionneur américain pourrait bénéficier du « duty drawback », un mécanisme qui permet par exemple de se faire rembourser les droits de douane payés sur les pièces importées d'Europe pour être montées sur un avion ensuite vendu hors des États-Unis, explique un connaisseur du secteur à l'AFP.

Q - Qui paiera le surcoût?

R - Ce sera aux compagnies américaines qui importent des Airbus de payer les surtaxes, a lancé le patron d'Airbus.

Quelques jours plus tôt, le patron de Delta Airlines Ed Bastian avait affirmé qu'il n'entendait pas débourser plus pour les Airbus dont il attend la livraison cette année.

« Évidemment, ils n'aiment pas être dans cette situation, alors nous voyons avec eux comment gérer la situation », a souligné Guillaume Faury.

« Dans les contrats, à notre connaissance, il n'y a pas de clauses pour répercuter des hausses de coûts liées aux droits de douane », nuance Pascal Fabre. « C'est un sujet à négocier ».

Avocats et commerciaux sont à l'oeuvre pour atténuer l'impact potentiel.

Fin mars 2025, Airbus devait encore livrer 902 avions à des compagnies américaines, soit plus de 10% de son carnet de commande. Seuls ceux qui ne sont pas assemblés à Mobile sont sujets aux surtaxes.

Par Olga NEDBAEVA/AFP

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