
Les enseignes de la grande distribution se livrent une concurrence féroce dans les lieux de transit, gares ou stations-service, où elles sont au contact direct de consommateurs captifs et pressés, qui se détournent de leurs grands magasins plus lointains.
Touristes étrangers anticipant leur pique-nique du midi, étudiants tentés par une sucrerie... les caisses automatiques de la supérette Carrefour du sous-sol de la gare Saint-Lazare à Paris voient défiler les clients en ce matin de semaine.
Un magasin sur le trajet du quotidien, « c'est pratique », synthétise Thierry en avalant un sandwich, en route pour le bureau.
Pour les distributeurs, c'est très rentable : ce petit magasin de 400 m² réalise 10 millions d'euros de chiffre d'affaires annuel, une performance d'autant plus enviable que ces petites surfaces emploient peu de personnel et sont souvent exploitées par un partenaire franchisé, qui supporte l'essentiel des coûts de fonctionnement.
Carrefour a fait de la franchise un pilier de sa stratégie et son directeur proximité en France, Benoît Soury, avait averti dès l'été 2024 que le distributeur allait cibler « les zones de flux », « à l'image de nos récentes implantations dans les gares SNCF de Lyon Part-Dieu et RATP aux Halles », en plein cœur de Paris.
« Simplifier la vie »
Ces dernières semaines, Carrefour a remporté deux appels d'offres : un accord avec la branche distribution dans les lieux de transports (Travel Retail) du groupe Lagardère et la SNCF pour déployer 150 points de vente d'ici 2030 dans des gares de toutes tailles ; puis c'est avec Altarea Commerce et RATP Travel Retail qu'il a « topé », cette fois pour ouvrir des commerces et des services de proximité dans 45 gares du Grand Paris Express.
« L'idée est de simplifier la vie des voyageurs », mais aussi « des riverains qui vont trouver leurs sandwichs, leurs courses avant de rentrer à la maison » ou « avant de partir sur leur lieu de vacances », avait expliqué Marlène Dolveck, directrice générale de SNCF Gares & Connexions et directrice générale adjointe du groupe SNCF en charge de la transformation, lors d'un point-presse fin janvier à la gare Saint-Lazare.
L'exemple avait été donné de clients faisant leurs courses en ligne avant de prendre le train qui les emmène au ski, et qui les trouvent dans un casier à la gare de destination. Ils n'auraient plus qu'à les mettre dans le coffre de leur voiture de location, sans avoir à passer par les supérettes d'altitude.
Déplacements contraints
« Sur le long terme, les hypermarchés régressent, les supermarchés régressent un peu, les magasins de proximité progressent, le drive et le commerce en ligne progressent », synthétise Philippe Goetzmann, expert de la grande distribution, auprès de l'AFP. « Plus la distance du produit au client est courte, plus la progression est forte. »
En milieu urbain, s'ajoute la contrainte du déplacement automobile, les problèmes de stationnement... « Si les gens ne vont plus au magasin, il devient nécessaire de se positionner sur les flux contraints, et notamment près des transports en commun », poursuit-il.
Mi-février, Casino avait annoncé le renouvellement de son partenariat avec Avia France afin de proposer ses gammes de produits dans certaines stations-service de l'est de la France. Un partenariat qui couvre 46 stations autoroutières – dont 39 sous enseigne Casino Express – et 41 stations urbaines ou périurbaines – dont 11 sous enseigne Casino Express.
Casino, également partenaire d'Eni ou de TotalEnergies, revendiquait alors être « présent dans plus de 1.300 stations-service en France ».
S'ils ciblent cette fois un flux automobile, ces emplacements sont tout aussi stratégiques : la concurrence y est faible, les consommateurs n'ont pas d'alternative immédiate, et l'approvisionnement est très facile puisque les stations sont situées au plus près des axes de transit des camions, sur la route des supermarchés.
Par Corentin DAUTREPPE / AFP
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