Madrid met fin à un contrat militaire de 6,8 millions d’euros avec Israël
Le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez est assis à côté de la vice-Première ministre et ministre du Travail et de l'Économie sociale, Yolanda Diaz (2L), avant de prononcer une déclaration publique au palais de La Moncloa à Madrid, le 3 avril 2025. ©Javier Soriano / AFP

Le gouvernement espagnol a opté jeudi pour l'annulation pure et simple d'un contrat d'armement avec une entreprise israélienne, cédant ainsi aux pressions du parti de gauche radicale allié des socialistes au sein de la coalition minoritaire au pouvoir.

Cette décision d'annuler de manière unilatérale ce contrat de 6,8 millions d'euros avec l'entreprise israélienne IMI Systems Ltd, qui portait sur la fourniture de munitions à la Guardia Civil (équivalent de la gendarmerie), a été saluée par la ministre du Travail et numéro trois du gouvernement, Yolanda Díaz, figure de proue de Sumar, la formation de gauche radicale partenaire du Parti socialiste du Premier ministre Pedro Sánchez.

L'Espagne « ne peut acheter des armes à un gouvernement qui massacre le peuple palestinien », a déclaré à la presse Mme Díaz, soulignant qu'elle avait personnellement « négocié » avec le ministre de l'Intérieur et le Premier ministre pour obtenir son annulation.

Il était d'autant plus important pour Sumar d'obtenir gain de cause dans cette polémique que cette formation avait déjà subi un revers mardi, lorsque le conseil des ministres avait adopté un plan de près de 10,5 milliards d'euros pour que les dépenses de défense de l'Espagne atteignent dès cette année le seuil symbolique de 2 % du PIB, comme le réclame avec insistance l'Otan.

« Authentique génocide »

Farouchement opposées à une hausse des dépenses militaires, à l'Otan et à la politique américaine, les diverses composantes de Sumar avaient très mal pris cette décision.

Une deuxième défaite, cette fois-ci sur un thème encore plus sensible pour la gauche – celui du soutien aux Palestiniens – aurait été catastrophique pour Sumar, d'autant que cette formation doit faire face à la surenchère de Podemos, ancien partenaire des socialistes au pouvoir aujourd'hui réduit à quatre députés, mais qui se veut le vrai champion de la gauche radicale.

Conclu à l'origine en octobre, le contrat avec la société IMI Systems Ltd « n'aurait jamais dû exister », car il constituait « une violation flagrante de la légalité internationale », a affirmé Mme Díaz, qui a décrit la situation dans la bande de Gaza, où les opérations militaires israéliennes contre le mouvement islamiste palestinien Hamas se poursuivent, comme « un authentique génocide ».

« L'engagement » de l'Espagne « aux côtés du peuple palestinien est total », a-t-elle poursuivi.

Le gouvernement de Pedro Sánchez, qui a fait du soutien sans faille à la cause palestinienne l'un des principaux axes de sa politique étrangère, a officiellement reconnu en mai dernier l'État de Palestine, ce qui avait encore aggravé ses relations déjà exécrables avec le gouvernement israélien de Benjamin Netanyahou.

Les conséquences de l'annulation par Madrid de ce contrat ne sont pas encore connues clairement. Mercredi, des sources du ministère de l'Intérieur avaient indiqué à l'AFP que Madrid avait renoncé à annuler ce contrat sur le conseil des services juridiques de l'État, qui avaient conclu que l'Espagne devrait payer l'entreprise israélienne, mais sans recevoir les 15 millions de balles commandées.

« Qui va payer ? »

De sources gouvernementales, on indiquait jeudi que « les services juridiques de l'État et les ministères compétents étudient déjà de possibles démarches légales et des réclamations », ce qui laisse entendre que le gouvernement espère trouver le moyen d'échapper à ses obligations financières.

Le leader du Parti populaire (PP, principal parti de l'opposition de droite), Alberto Núñez Feijóo, soutien affirmé de l'État d'Israël, a mis en avant cette situation légale pour critiquer vertement la décision du gouvernement.

« Quand un État conclut un contrat avec un autre État, il faut le respecter », a-t-il déclaré à la presse, dans une référence au fait qu'IMI Systems Ltd appartient à l'État israélien.

« Quel est le prix de l'annulation de ce contrat ? Qui va la payer ? », a-t-il demandé.

Mais pour les socialistes, il était important, quitte à se déjuger, de mettre fin à la polémique avec leur allié de gauche radicale et de rétablir un semblant de stabilité au sein du gouvernement. Même si personne n'a jamais cru une seconde que Sumar pourrait quitter la coalition.

« Il n'y a pas de crise gouvernementale », avait d'ailleurs affirmé Mme Díaz avant même l'annonce de l'annulation de ce qu'elle a qualifié sur les réseaux sociaux de « contrat de la honte ».

Christian Chaise / AFP

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