Contre la résistance aux antibiotiques, des pistes intéressantes
Les chercheurs travaillent sur des moyens ingénieux d'enrayer le phénomène de résistance aux antibiotiques ©Pexels

C'est une inquiétude majeure pour les prochaines années : certaines bactéries deviennent résistantes aux antibiotiques et le phénomène pourrait tuer des dizaines de millions de personnes. Mais des chercheurs travaillent sur des moyens ingénieux d'enrayer le phénomène.

La résistance aux antibiotiques, qui cause « des impasses thérapeutiques alarmantes », est à l'origine « d'une crise sanitaire mondiale », rappelle une étude publiée lundi dans Nature Communications.

Or, cette étude, coordonnée par l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) français, propose « une piste potentielle pour développer des traitements contre la résistance aux antibiotiques ».

Dans celle-ci, des bactéries évoluent de telle manière que les antibiotiques ne les éliminent plus. Il n'y a donc plus de moyen pour lutter contre l'infection qu'elles génèrent, avec des effets potentiellement dramatiques.

Depuis une trentaine d'années, on estime que l'antibiorésistance a déjà causé plus d'un million de morts dans le monde. Surtout, le phénomène, accentué par l'usage excessif d'antibiotiques chez l'humain comme chez les animaux, pourrait s'aggraver au point de tuer des dizaines de millions de personnes au cours des 25 prochaines années, selon une modélisation publiée à l'automne dernier dans The Lancet.

Il y a plusieurs manières de réagir. À travers le monde, les autorités sanitaires de différents pays tentent de limiter l'usage d'antibiotiques, notamment inefficaces face à des infections virales. La France se souvient du slogan « Les antibiotiques, c'est pas automatique », lancé au début des années 2000.

Mais des chercheurs tentent aussi de développer des traitements susceptibles de lutter contre les bactéries coriaces, sans pour autant mettre en danger l'équilibre microbien de notre organisme.

C'est l'optique de l'étude publiée lundi. Les chercheurs ont identifié une protéine présente dans toutes les bactéries. Baptisée « Mfd », elle joue deux rôles : en résistant potentiellement au système immunitaire de l'hôte, et en favorisant des mutations de la bactérie.

Mais cette protéine n'est pas essentielle à la survie de celle-ci. Les chercheurs ont donc utilisé une molécule pour bloquer cette protéine, de telle manière que les « mauvaises » bactéries soient désarmées face au système immunitaire, sans que les « bonnes » soient affectées.

Des virus contre les bactéries 

Pour l'heure, le résultat apparaît positif, mais l'étude n'a été menée que sur des animaux. Chez des insectes et des souris, la molécule a réduit la quantité de bactéries pathogènes et a diminué leur capacité à muter de manière à devenir résistantes aux traitements.

Cette étude vient s'ajouter à un autre travail encourageant, publié dans Nature au printemps 2024. Ses auteurs, emmenés par le biochimiste américain Paul Hergenrother, avaient identifié une molécule capable de perturber un mécanisme qui n'est présent que dans les bactéries dites « à Gram négatif ». Ces dernières sont les plus sujettes à la résistance aux antibiotiques.

Les chercheurs, qui là aussi ont travaillé sur des souris, sont parvenus à éliminer les bactéries incriminées, sans perturber le microbiote intestinal de l'animal.

« Le mécanisme de notre anti-virulent est différent, mais la finalité est comparable », explique à l'AFP la chercheuse Nalini Rama Rao, qui a supervisé l'étude parue lundi. « Les deux études sont complémentaires et prometteuses. »

Reste à savoir si ces molécules agiront aussi bien chez l'humain, une question qui mettra des années à trouver ses réponses via de potentiels essais cliniques.

Une autre piste, elle, est testée depuis plusieurs années chez l'humain, avec des résultats encourageants : les « bactériophages », des virus capables de tuer les bactéries dangereuses sans mettre en danger l'organisme.

Mais ces thérapies sont difficiles à mettre en œuvre car ces bactériophages sont d'une immense diversité, avec des spécificités propres à chacun. Il est donc difficile de trouver le bon cocktail face à une infection donnée.

Publiée fin 2024 dans Nature Microbiology, une étude réalisée par des chercheurs de l'Inserm donne une piste : utiliser l'intelligence artificielle.

Les auteurs ont utilisé une vaste base de données sur les bactériophages, à partir de laquelle ils ont demandé à leur logiciel de proposer des mélanges sur mesure face à plusieurs bactéries de la famille E. coli. Ils ont ensuite testé ces mélanges qui se sont révélés capables de tuer les bactéries dans 90 % des cas.

Des résultats qui « ouvrent la voie à des phagothérapies personnalisées pour combattre des infections bactériennes résistantes aux antibiotiques », conclut l'Inserm.

Par Julien DURY / AFP

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