Canada : Vainqueur des élections, Mark Carney promet de surmonter les défis posés par les États-Unis
Le Premier ministre du Canada et chef du Parti libéral, Mark Carney, s'adresse à ses partisans lors d'une fête de victoire à Ottawa, Ontario, le 29 avril 2025. Le Premier ministre Mark Carney a remporté les élections canadiennes du 28 avril 2025, menant son Parti libéral à un nouveau mandat au pouvoir après avoir convaincu les électeurs que son expérience de la gestion des crises l'avait préparé à affronter le président américain Donald Trump. ©Dave Chan / AFP

Le Premier ministre libéral Mark Carney a remporté mardi une victoire électorale historique au Canada, promettant de triompher des États-Unis dans la guerre commerciale lancée par Donald Trump et de ne jamais oublier la « trahison » américaine.

Cependant, les libéraux pourraient échouer de peu à obtenir une majorité au Parlement et être contraints de gouverner avec l’appui d’un autre parti, le dépouillement étant encore en cours dans certaines régions.

Il y a quelques mois encore, la voie semblait toute tracée pour permettre aux conservateurs canadiens, emmenés par Pierre Poilievre, de revenir aux affaires après dix ans de pouvoir de Justin Trudeau.

Mais le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche et son offensive inédite contre le Canada, à coups de droits de douane et de menaces d’annexion, ont changé la donne.

Devant ses partisans dans la nuit de lundi à mardi, Mark Carney a estimé que « l’ancienne relation avec les États-Unis était terminée ».

« Le président Trump tente de nous briser pour nous posséder », a-t-il ajouté, appelant le pays à l’unité pour les « difficiles mois à venir, qui exigeront des sacrifices ».

Dans un discours reconnaissant sa défaite, son principal opposant, M. Poilievre, a promis de travailler avec Mark Carney et de placer l’intérêt du pays avant les luttes partisanes face aux « menaces irresponsables » du président américain.

Un peu plus tôt dans l’aréna de hockey où étaient réunis les partisans libéraux, l’annonce de la victoire avait provoqué une salve d’applaudissements et des cris enthousiastes.

« Je suis si heureuse », a confié sur place Dorothy Goubault, originaire de la région des Mille-Îles en Ontario. « Je suis contente car nous avons quelqu’un qui peut parler à M. Trump à son niveau. M. Trump est un homme d’affaires, M. Carney est un homme d’affaires, et je pense qu’ils peuvent tous les deux se comprendre. »

Pour le ministre de la Culture Steven Guilbeault, « les nombreuses attaques du président Trump sur l’économie canadienne, mais aussi sur notre souveraineté et notre identité même, ont vraiment mobilisé les Canadiens », a-t-il déclaré sur la chaîne publique CBC.

Et les électeurs « ont vu que le Premier ministre Carney avait de l’expérience sur la scène mondiale ».

Dans les longues files devant les bureaux de vote toute la journée, les électeurs ont souligné l’importance de ce scrutin, parlant d’élections historiques et déterminantes pour l’avenir de ce pays de 41 millions d’habitants.

« Chaos »

À 60 ans, Mark Carney, novice en politique mais économiste reconnu, a su convaincre une population inquiète pour l’avenir économique et la souveraineté du pays qu’il était la bonne personne pour piloter le Canada en ces temps troublés.

Cet ancien gouverneur de la Banque du Canada et de la Banque d’Angleterre n’a cessé de rappeler pendant la campagne que la menace américaine est réelle pour le Canada.

« Le chaos est entré dans nos vies. C’est une tragédie, mais c’est aussi une réalité. La question clé de cette élection est de savoir qui est le mieux placé pour s’opposer au président Trump », a-t-il expliqué pendant la campagne.

Pour y faire face, il a promis de maintenir des droits de douane sur les produits américains tant que les mesures de Washington seraient en place, mais aussi de développer le commerce au sein de son pays en levant les barrières douanières entre provinces et de chercher de nouveaux débouchés, notamment en Europe.

Le lien Europe-Canada « est fort et se renforce », a d’ailleurs déclaré mardi matin la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, félicitant M. Carney pour sa victoire.

« J’ai hâte de travailler en étroite collaboration, tant au niveau bilatéral qu’au sein du G7. Nous défendrons nos valeurs démocratiques communes, nous encouragerons le multilatéralisme et nous serons les champions du commerce libre et équitable », a-t-elle déclaré sur X.

À Londres, le Premier ministre britannique Keir Starmer a lui aussi félicité M. Carney et s’est réjoui d’un « renforcement des liens » Royaume-Uni/Canada.

Le chef conservateur, M. Poilievre, qui avait promis des baisses d’impôts et des coupes dans les dépenses publiques, n’a pas réussi à convaincre les électeurs de ce pays du G7, 9e puissance mondiale, de tourner le dos aux libéraux.

Pierre Poilievre a aussi souffert, jusqu’au bout, de sa proximité avec le président américain, notamment par son style et certaines de ses idées, ce qui lui a aliéné une partie de l’électorat, selon les analystes.

Au QG des conservateurs à Ottawa, Jason Piche se dit toutefois « surpris » des résultats, « je pensais que ce serait plus serré que ça ».

Un peu plus loin, Jean-Guy Bourguignon, homme d’affaires de 59 ans, se dit carrément « très triste ». « Est-ce que c’est vraiment ça le pays dans lequel nous voulons vivre ? », demande-t-il alors qu’il énumère les politiques des libéraux, qu’il juge liberticides.

Près de 29 millions d’électeurs étaient appelés aux urnes dans ce vaste pays qui s’étend sur six fuseaux horaires. Plus de 7,3 millions de personnes avaient voté par anticipation, un record.

Par Daphné LEMELIN avec Marion THIBAUT à Montréal/AFP

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