
L’écrivain espagnol Javier Cercas revient sur son improbable rapprochement avec le pape François autour de l’anticléricalisme. Son nouveau livre, inspiré d’un voyage en Mongolie avec le souverain pontife, sortira en français en septembre.
«Athée», «laïciste militant», «impie intransigeant». C'est ainsi que se décrit l’écrivain espagnol Javier Cercas, qui a accompagné le pape François lors d’un voyage en Mongolie en 2023, au cours duquel il a constaté avec surprise qu’une chose les réunissait: «l’anticléricalisme».
Dans un entretien mardi avec l’AFP depuis un hôtel de Bogota, l’auteur des Soldats de Salamine, roman sur fond de guerre civile (1936-1939) adapté au cinéma, parle de sa rencontre avec le pape et de son nouveau livre, Le Fou de Dieu au bout du monde.
Déjà publié en espagnol et en italien, il sera lancé en français le 3 septembre par Actes Sud et s’annonce comme l’un des événements de la rentrée en littérature étrangère dans l’Hexagone.
L’écrivain de 63 ans, élevé au sein d’une famille catholique mais athée convaincu, a été invité par le Vatican à accompagner le pape lors d’un voyage inédit en Mongolie en septembre 2023.
En échange, le souverain pontife devait répondre à une question posée par la mère, croyante, de Javier Cercas: une fois morte, retrouverait-elle son époux décédé?
Une énigme que l’auteur tente de résoudre au fil du récit. Le périple dans ce pays reculé d’Asie, très majoritairement bouddhiste, permet à Javier Cercas de réaliser qu’il a plusieurs choses en commun avec Bergoglio, comme il appelle le pape.
Comme lui, le pape François, décédé le 21 avril à l’âge de 88 ans, aimait faire la sieste, lire les œuvres de l’Argentin Jorge Luis Borges, et était «profondément anticlérical».
«Le cléricalisme, c’est l’idée perverse que le prêtre est au-dessus des fidèles. Cela, selon François, c’est le cancer de l’Église», affirme l’Espagnol.
Durant son pontificat, François s’est distingué en critiquant la «mondanité» et le «carriérisme» dans le clergé, appelant évêques et prêtres à sortir à la rencontre des gens. Il a appelé la Curie romaine, le gouvernement central de l’Église, à faire preuve d’«humilité» et de «sobriété».
«François est révolutionnaire si, par révolution, on entend le retour au christianisme primitif» qui privilégie les «miséreux, les pauvres, les prostituées», estime l’écrivain, tout en jugeant que le pape n’a pas apporté de changements significatifs à l’Église.
«Les petites réformes que François a pu mener ont suscité une résistance brutale», ajoute-t-il. Certains prêtres en sont même venus à prier «pour sa mort» et l’ont traité d’«antéchrist», assure-t-il.
S’il ignore pourquoi le Vatican l’a choisi pour écrire le livre, l’auteur de romans traduits dans une trentaine de langues affirme qu’«un écrivain athée était fondamental» pour porter «un regard externe» sur la figure papale. «Cela ne s’était jamais fait auparavant.»
Il a envoyé au pape un exemplaire dédicacé de l’ouvrage quelques semaines avant sa mort, mais pense que François, qui était déjà très malade, n’a jamais eu l’occasion de le lire.
Interrogé sur le conclave de la semaine prochaine à Rome, Javier Cercas pense que les cardinaux choisiront pour succéder au pape François soit un réformateur plus modéré, soit un pape qui cherchera à «freiner» les réformes.
Par Alba SANTANA / AFP
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