
Plus que les différences Nord-Sud ou un clivage idéologique, un facteur crucial dans l’élection du futur pape sera sans doute le «point focal» que constitue François, affirme à l’AFP l’archevêque d’Alger Jean-Paul Vesco, qui participera au conclave.
À l’approche de cette élection qui débutera le 7 mai à huis clos, le dominicain estime que la ligne de fracture entre cardinaux «n’est ni Nord-Sud, ni fonction des périphéries», mais s’articule plutôt entre «ceux qui jugent nécessaire de recadrer les choses» après les douze ans de pontificat de François, «et d’autres qui appellent à poursuivre le chantier».
«Je suis clairement sur cette ligne», ajoute le prélat de 63 ans, connu pour ses positions progressives, notamment sur la place des femmes et des laïcs dans l’Église.
Alors que les congrégations générales, réunions de quelque 200 cardinaux, entament vendredi leur huitième session, l’ancien avocat précise : «Je ne vois pas de camps, mais plutôt un point focal constitué par le pape François, comme c’était d’ailleurs le cas pour Jean-Paul II.» «Chaque cardinal se positionne par rapport à ce point focal».
Or François «a été dur avec beaucoup de monde», ajoute ce diplômé en théologie, en prévoyant «un profil de pape qui, forcément, devra faire une unité».
«Homme de consensus»
«Je ne pense pas que cela corresponde à un ultraconservateur souhaitant remettre un coup de barre» après un pontificat de réformes, «ni à quelqu’un affirmant que nous avons été tous derrière François, et qu’il faut donc continuer».
«Ce sera un homme de consensus», prédit Mgr Vesco, créé cardinal fin 2024 par François. Avec une conséquence logique mais peu propice au changement : «lorsque l’on rassemble, le risque est d’aller moins vite».
Le défunt pape a certes nommé 80 % des cardinaux électeurs. Mais selon lui, «toutes les analyses selon lesquelles François s’est forgé son collège cardinalice ne tiennent pas», ajoute-t-il.
L’archevêque, né en 1962 à Lyon, dans le centre-est de la France, et naturalisé algérien en 2023, rappelle aussi que «la sociologie change entre les congrégations générales et le conclave», puisque ne voteront que les cardinaux de moins de 80 ans.
«Le temps de la parole, ce sont les congrégations. Le conclave est le temps du silence», résume cet homme d’écoute et d’ouverture.
«Petits nouveaux»
Comme beaucoup, Mgr Vesco fait le pari de la brièveté : «un conclave est de toutes façons rapide, avec quatre votes par jour, dont le premier fait vraisemblablement ressortir les quatre ou cinq personnes entre qui tout se joue».
Pour décrire les congrégations générales, ces réunions préparant le conclave, il utilise en souriant l’image d’«une mayonnaise qui prend. Peu spectaculaire au début, et puis cela monte. Je sais maintenant qu’elles ont rempli leur rôle».
Dans ce collège où l’écrasante majorité des cardinaux participe à son premier conclave, «au début, chacun se dit, je suis le petit dernier.» «Et puis il s’aperçoit qu’il y a 110 petits derniers !», explique le prélat, dont le pays d’adoption ne compte que quelques milliers de catholiques.
«Le climat est bon, tout le monde s’écoute. Nous nous réunissons dans l’amphithéâtre au-dessus de la salle Paul VI, où nous ne sommes pas installés par ordre d’importance», explique-t-il.
Sous l’autorité du cardinal doyen et du camerlingue, chacun prend la parole sur le thème de son choix : jusqu’à maintenant, le temps n’était pas limité. Mais plus les jours passent et moins il reste de réunions, alors que le nombre de personnes souhaitant s’exprimer reste important. «Le temps est désormais réduit à cinq minutes».
Quant aux discussions, en marge de l’amphithéâtre, sur les possibles candidats, «on sent un frémissement», avec selon lui «deux cas de figure : l’interlocuteur qui semble porter un message, un candidat, et celui qui demande plutôt notre avis».
Il assure toutefois n’être «pas très sollicité». «C’est discret». Car «j’ai des positions dont je ne fais pas secret, et ceux qui ne les partagent pas ne vont pas venir vers moi», confie-t-il.
«Je ne participe pas aux rencontres informelles, par choix», ajoute Mgr Vesco, qui revendique une forme de «transparence».
Par Claire GALLEN / AFP
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