
Des armes chinoises fournies par les Émirats arabes unis aux paramilitaires ont été utilisées au Soudan en violation de l'embargo sur les armes de l'ONU, a affirmé Amnesty International jeudi, au cinquième jour d'attaques de drones qui ont provoqué la fuite de civils.
Selon l'organisation, des bombes guidées chinoises GB50A et des obus AH-4 de 155 mm ont été identifiés grâce à l’analyse d’images de débris retrouvés après des attaques à Khartoum et au Darfour, dans l’ouest du Soudan.
Ces attaques, attribuées par l’armée aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), se sont multipliées ces derniers jours, notamment sur des sites stratégiques de Port-Soudan, siège provisoire du gouvernement et épicentre logistique de l’aide humanitaire.
L’aéroport civil, le dernier encore opérationnel du pays, une base militaire, une station électrique et des dépôts de carburant ont notamment été endommagés.
Jeudi, selon des sources militaires, des drones ont de nouveau visé Port-Soudan, poussant les civils à fuir ce grand port de la mer Rouge, longtemps considéré comme un havre sûr, ainsi qu’une ville du sud du pays tenue par l’armée.
Les paramilitaires, en guerre depuis deux ans contre l’armée, ont lancé une nouvelle attaque de drone contre la base navale de Flamingo, à Port-Soudan, déjà visée la veille, selon une source militaire citée par l’AFP.
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a averti que ces attaques risquaient d’augmenter les besoins humanitaires et de compliquer encore les opérations d’aide. Il a par ailleurs déploré le manque de volonté politique des parties de retourner à la table des négociations.
À près de 1.100 kilomètres au sud-ouest, des drones des FSR ont également visé la ville de Kosti, dans l’État du Nil blanc, selon une autre source militaire. Les appareils auraient ciblé, à l’aide de trois drones, les dépôts de carburant qui approvisionnent l’État, provoquant des incendies.
Mercredi soir, d’autres drones ont déclenché des tirs anti-aériens au-dessus de Kassala (est) et de Merowe (sud).
Les armes chinoises identifiées au Soudan sont fabriquées par le groupe Norinco, China North Industries Group Corporation Limited, une entreprise de défense détenue par l’État chinois, selon Amnesty.
L’organisation ajoute que les Émirats sont le seul pays à avoir importé officiellement de Chine des obus AH-4 de 155 mm, en 2019, en s’appuyant sur des données de l’Institut de recherche suédois Stockholm International Peace (SIPRI). Cela indiquerait, selon Amnesty, que les Émirats continuent de soutenir les FSR, une affirmation en ligne avec de précédents rapports, dont un des Nations unies.
Le gouvernement soudanais a rompu mardi ses relations diplomatiques avec les Émirats, les accusant d’équiper les FSR. Abou Dhabi a toujours nié toute implication dans le conflit, qui a fait des dizaines de milliers de morts et déplacé près de 13 millions de personnes.
Bus complets
Face aux attaques sur Port-Soudan – où, selon une source militaire, la défense anti-aérienne a détruit 15 drones entre mercredi soir et jeudi – les civils se précipitaient vers la principale gare routière dans l’espoir de fuir.
« Tous les bus sont complets » et il faut réserver à l’avance, rapporte Mahmoud Hussein, employé d’une compagnie de transport.
« Nous n’avons pas le choix, nous devons partir », confie Haidar Ibrahim, qui s’apprête à voyager vers le sud avec sa femme malade et leur famille.
Bon nombre de ceux qui ont cherché refuge à Port-Soudan ont déjà été déplacés à plusieurs reprises, à mesure que la ligne de front se rapprochait.
Depuis avril 2023, la guerre oppose le général Abdel Fattah al-Burhane, dirigeant de facto du pays depuis le coup d’État de 2021, à son ancien adjoint, le général Mohamed Hamdane Daglo, chef des FSR.
Le conflit a de facto divisé le pays. L’armée contrôle désormais le centre, l’est et le nord du Soudan, tandis que les paramilitaires tiennent à l’ouest presque toute la vaste région du Darfour ainsi que certaines zones du sud.
Après avoir perdu plusieurs positions, notamment Khartoum en mars, les FSR, privées d’aviation, ont désormais recours de manière croissante aux drones, déployés depuis leurs bases dans le Darfour, à quelque 1.500 kilomètres à l’ouest de Port-Soudan.
AFP
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