En visite au Moyen-Orient, Trump ignore son allié israélien
Sur cette photo diffusée par la Cour présidentielle des Émirats arabes unis, le président américain Donald Trump écoute un responsable émirati au UAE USA AI Cluster, lors de la cérémonie de lancement à Abou Dhabi, le 15 mai 2025. ©Ryan CARTER / COUR PRESIDENTIELLE DES EAU / AFP)

La visite de Donald Trump cette semaine au Moyen-Orient, sans escale en Israël, illustre une dynamique nouvelle : les deux pays, alliés historiques, commencent à diverger sur plusieurs dossiers régionaux.

Iran, Yémen, Syrie... Le président américain enchaîne depuis quelques jours les annonces au risque de heurter les doctrines et le tempo d’Israël.

À tel point que la presse israélienne a fait état de tensions dans les relations entre M. Trump et le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, que les deux parties continuent à présenter, publiquement, comme excellentes.

Les États-Unis ont obtenu lundi la libération d’un otage israélo-américain dans la bande de Gaza, une réussite là où M. Netanyahu est souvent critiqué pour son échec à faire revenir les 57 personnes toujours retenues dans le territoire palestinien depuis le 7 octobre 2023, jour de l’attaque sans précédent du mouvement islamiste Hamas en Israël, qui a déclenché la guerre.

Ce succès américain survient alors que Donald Trump affirme par ailleurs se rapprocher d’un accord avec Téhéran sur le nucléaire iranien, à rebours là aussi de la position israélienne.

«Israël semble être mis à l’écart de ces négociations» note Eldad Shavit, spécialiste de politique étrangère à l’Institut des études nationales en sécurité (INSS) de Tel-Aviv.

Illustration d’une position plus «conciliante», l’accord risque, selon M. Shavit, de «ne pas plaire» au gouvernement israélien qui exige un démantèlement complet des infrastructures nucléaires iraniennes.

«Rien à venir chercher» 

Avec les Houthis au Yémen ou le nouveau dirigeant syrien, le président républicain semble également jouer solo, sans prendre en considération l’allié israélien.

Les États-Unis ont récemment conclu un accord de cessez-le-feu avec les Houthis qui laisse à l’écart Israël, cible régulière de missiles lancés par les rebelles yéménites.

Jeudi soir encore, ces derniers ont revendiqué un tir de missile que l’armée israélienne dit avoir intercepté.

Sur la Syrie, M. Trump a créé la surprise mardi en annonçant la levée prochaine des sanctions, contrastant avec la position israélienne qui voit le nouveau régime syrien avec hostilité.

«Les relations historiques et l’affinité entre Israël et les États-Unis n’ont que très peu d’importance pour lui» note Yossi Mekelberg, analyste à Chatham House.

«Avec Trump, il n’y a jamais eu de lune de miel (avec Israël), tout est transactionnel : aujourd’hui tu m’intéresses, je suis ton meilleur ami, demain, je te laisse tomber» dit-il.

«Si Trump ne vient pas en Israël c’est qu’il n’a rien à venir y chercher, il serait venu s’il y avait eu un accord pour la libération de tous les otages par exemple, il va là où il peut obtenir quelque chose» comme avec les contrats décrochés dans le Golfe, estime M. Shavit.

Cette inflexion ne signifie toutefois pas une remise en cause de l’alliance de longue date entre les deux pays.

Les États-Unis continuent d’afficher leur soutien à Israël, malgré des appels croissants à une désescalade dans le conflit à Gaza venant notamment des pays européens.

«Moment charnière» 

«Trump continue de donner à Netanyahu les pleins pouvoirs, un soutien total, y compris en armement» indique Mairav Zonszein, experte de l’International Crisis Group (ICG). Mais «on est dans un moment charnière, ça peut évoluer dans différentes directions».

«Ce n’est pas seulement qu’il a fait libérer un otage américain, il tente de parvenir à un accord de cessez-le-feu (...) et je ne suis pas sûr que le gouvernement israélien soit sur la même ligne concernant l’après-guerre» abonde M. Shavit, longtemps conseiller ministériel.

Isolé sur la scène internationale, Israël essuie des critiques explicites : déclarations des Nations unies, procédures de la Cour pénale internationale...

«Netanyahu doit faire très attention avec Trump car Israël a besoin de son soutien militaire et politique» dit M. Shavit.

Le Premier ministre a toutefois suggéré dimanche qu’Israël devrait à terme «se sevrer» de l’aide militaire américaine, sans fournir d’explication.

Des médias israéliens rapportent un agacement mutuel entre les deux dirigeants, citant des indiscrétions de leurs équipes selon lesquelles l’Américain perdrait patience face à une guerre qui s’éternise, et l’Israélien serait furieux d’être mis sur la touche.

Pour M. Mekelberg, les derniers événements révèlent en réalité une opposition qui ne date pas d’hier entre le positionnement à la fois idéologique et tactique d’Israël et le pragmatisme du locataire de la Maison Blanche.

Par Chloe ROUVEYROLLES-BAZIRE/AFP

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