Heurts à Los Angeles: Trump souffle sur les braises
Les forces de l'ordre prennent position dans les rues autour du bâtiment fédéral lors d'une manifestation suite aux opérations fédérales d'immigration à Los Angeles, Californie, le 8 juin 2025. ©Ringo Chiu / AFP

Le président américain Donald Trump s'est félicité lundi d'avoir pris une "excellente décision" en déployant des militaires de la Garde nationale à Los Angeles, une initiative critiquée par des militants des droits civiques et dénoncée par les autorités de Californie. Il a accusé les «insurrectionnistes» d'être responsables des troubles en cours.

"Si nous n'avions pas fait ça, Los Angeles aurait été rayée de la carte", a affirmé le président américain sur son réseau Truth Social, en attaquant, à nouveau, le gouverneur démocrate de Californie, Gavin Newsom, et la maire de Los Angeles, Karen Bass, jugés "très incompétents".

"Ils ont choisi de mentir aux Californiens et aux Américains en disant qu'ils n'avaient pas besoin de nous et en parlant de +manifestations pacifiques+", a encore écrit le président sur Truth, alors que Los Angeles reste sous haute tension.

Ne montrant aucune intention de calmer le jeu après trois jours de heurts dans la mégalopole californienne, il a jugé, cette fois pendant un court échange avec la presse à son retour à la Maison Blanche, que les affrontements qui ont opposé manifestants et forces de l'ordre étaient l'oeuvre d'"agitateurs professionnels" et d'insurgés" qui "devraient être en prison".

«Les personnes qui causent des problèmes sont des agitateurs professionnels et des insurrectionnistes», a déclaré Trump aux journalistes.

«Ce sont de mauvaises personnes; elles devraient être en prison», a-t-il ajouté lorsqu'on lui a demandé de commenter les affrontements dans certaines zones de la deuxième plus grande ville des États-Unis.

Le républicain, qui fête ses 79 ans samedi, n'a pas fourni de preuves expliquant pourquoi les manifestants étaient qualifiés d'insurrectionnistes.

Trump revenait à la Maison-Blanche après avoir rencontré des responsables américains et des officiers militaires à sa retraite présidentielle de Camp David. Avant de s’adresser aux journalistes, il a salué les ouvriers sur le site d'un nouveau mât de drapeau qu'il a ordonné d'installer devant la Maison-Blanche.

Trump n’a pas répondu lorsqu'on lui a demandé à plusieurs reprises s’il prévoyait d’invoquer la Loi sur l'insurrection, qui permettrait d'utiliser l'armée comme force de police interne.

La Maison-Blanche a déjà indiqué que Trump s’appuyait sur une loi rarement utilisée, le Titre 10, pour déployer la Garde nationale à Los Angeles, bien que le gouverneur démocrate de Californie, Gavin Newsom, ait estimé que cette décision était inutile étant donné la nature limitée des manifestations.

Trump a vivement critiqué Newsom, qui est largement pressenti comme un candidat possible pour la présidentielle de 2028, en raison des troubles.

«Il a fait un travail terrible. Regardez, j'aime Gavin Newsom ; c'est un type sympa – mais il est complètement incompétent, tout le monde le sait», a déclaré Trump.

Le gouverneur Newsom a défié le tsar des frontières de Trump, Tom Homan, ce week-end, de l'arrêter après que Homan ait suggéré que le gouverneur et la maire de Los Angeles, Karen Bass, pourraient faire face à des accusations fédérales d'avoir tenté d'entraver les agents de l'immigration.

«Je le ferais si j'étais Tom», a répondu Trump lorsqu'on lui a demandé si Homan devait arrêter Newsom.

«Ils crachent, on frappe»

Toujours est-il qu’en déployant l'armée en Californie contre l'avis des autorités locales et en menaçant de l'envoyer dans toutes les villes américaines où se dérouleraient des manifestations contre sa politique migratoire, Donald Trump a franchi un nouveau palier dans l'affirmation de son pouvoir.

«Ils crachent, on frappe»: voilà comment il a résumé dimanche sa position d'extrême fermeté face aux affrontements qui ont lieu à Los Angeles depuis trois jours.

En envoyant 2.000 militaires dans les rues de la mégalopole californienne, il a, pour la première fois depuis 1965, ordonné de déployer la Garde nationale, un corps de réserve organisé au niveau des États, sans demande préalable d'un gouverneur.

«C'est une escalade inutile et un abus de pouvoir», a dénoncé Hina Shamsi, de l'influente association des droits civiques ACLU, dans un communiqué.

Depuis plusieurs années, le président ou candidat Trump évoque le recours à l'armée pour des opérations de police, mais il n'était pas passé à l'acte pendant son premier passage à la Maison Blanche (2017-2021).

Défilé militaire

Il semble cette fois décidé à déployer au maximum ses compétences de «commandant en chef», par l'envoi de troupes, mais aussi par des décisions plus symboliques.

C'est ainsi que samedi, Washington accueillera une très rare parade militaire, à une date marquant 250 ans depuis la création de l'armée américaine, mais aussi le 79e anniversaire de Donald Trump, qui réalise là un vieux projet.

L'entourage du président présente la politique de lutte contre l'immigration clandestine comme une bataille pour la «civilisation» justifiant tous les moyens.

«Los Angeles est la preuve que l'immigration de masse détruit les sociétés. (...) Si vous ne réglez pas le problème de l'immigration, rien d'autre ne peut être réglé, ni sauvé», a écrit sur X le proche conseiller de Donald Trump et principal porte-voix de l'idéologie «Amérique d'abord», Stephen Miller.

Donald Trump a été interrogé dimanche pour savoir ce qui justifierait de franchir une étape supplémentaire, à savoir envoyer des militaires d'active, des Marines, à Los Angeles.

«La justification sera ce que j'en pense», a-t-il répondu, fidèle à sa conception maximaliste des prérogatives du président, face à celles des deux contre-pouvoirs prévus par la Constitution, la justice et le Congrès.

Il n'a pas exclu d'envoyer l'armée dans toutes les villes américaines où se tiendraient des manifestations contre les expulsions d'immigrés en situation irrégulière.

«Pente Glissante»

Le républicain «a tendance à utiliser les grands mots et à exagérer assez souvent», note William Banks, professeur de droit à l'université de Syracuse, interrogé par l'AFP.

Mais s'il passe à l'acte et déploie des militaires d'active, «il va à l'encontre de la tradition américaine, qui est de laisser le maintien de l'ordre aux civils», donc à la police, poursuit l'expert.

Pour déployer les Marines, il lui faudrait invoquer formellement la «Loi sur l'insurrection» ou «Insurrection Act», ce qui n'a été fait qu'une trentaine de fois depuis la création des États-Unis.

Ce texte est invoqué «quand tout fout le camp», résume William Banks, «c'est une pente glissante. S'il déclare l'état d'insurrection, ses pouvoirs seront presque illimités».

Derrière l'aspect légal, le bras de fer est très politique.

La Californie est un bastion démocrate, même si Donald Trump y a fait quelques percées locales lors de la dernière présidentielle.

C'est aussi, pour la droite radicale américaine, une sorte de repoussoir à cause de ses politiques progressistes.

AFP

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