
Il y a approximativement 700 mille ans, deux espèces humaines se détachaient d’un tronc commun, pour évoluer séparément vers deux formes distinctes adaptées chacune aux conditions de son continent. L’espèce africaine, dite Sapiens, a fini par peupler la planète alors que l’espèce européenne, dite Néandertal, s’est mystérieusement éteinte.
Notre planète a été habitée par plusieurs espèces du genre Homo dont les plus anciennes traces fossiles remontent à environ 2,8 millions d'années. Cependant, ce sont les deux espèces les plus proches de nous qui nous intéressent plus particulièrement. Il s’agit surtout de l’homme d’Europe dit Homo neanderthalensis, et de l’homme d’Afrique dit Homo sapiens.
C’est d’un ancêtre commun, qu’il y a environ 660 milliers d’années, se sont séparées deux branches Homo, conduisant l’une à Homo sapiens en Afrique, et l’autre vers Homo denisovensis en Asie, et Homo neanderthalensis en Europe. Ces deux dernières espèces s’étant éteintes, toute la population actuelle de la Terre descend de l’Homo sapiens africain, et probablement d’un groupe unique, celui de la dernière sortie d’Afrique, il y a une soixantaine de milliers d’années.
Les deux espèces
L’espèce européenne – Homo neanderthalensis – et l’espèce africaine – Homo sapiens – se sont développées de manières parallèles, chacune sur son continent, entre 500 et 300 mille ans avant le présent. Les traces les plus anciennes de Sapiens remontent à 300 mille ans, et pour Néandertal, à 430 mille ans, comme en témoignent les découvertes de Sima de los Huesos en Espagne.
Sapiens signifie sage, et Néandertal signifie en allemand «vallée de l'homme nouveau». Mais ceci n’est qu’un pur hasard puisque cette vallée portait déjà ce nom avant la découverte en août 1856 de cette espèce humaine dont elle est devenue l’éponyme.
Caractéristiques des deux espèces
L’espèce européenne a évolué vers une forme robuste, épaisse, lourde et légèrement trapue plus adaptée au climat froid de son continent. De corpulence massive, ses attaches musculaires dénotent une grande force physique, et son arcade sourcilière – ou bourrelet sus-orbitaire – lui confère un aspect particulier, qui avec la forme oblongue du crâne, marque la différence la plus flagrante avec Homo sapiens. Le taille des Néandertaliens est de 165 cm pour 90 kg, alors que les femmes font 155 cm pour 70 kg. Rares sont les individus ayant atteint les 190 cm.
Néandertal connaît l’usage de la parole, la solidarité de groupe, les sépultures et les rites funéraires. Ses prédispositions génétiques au langage sont attestées par les échantillons d’ADN prélevés dans la grotte d’El Sideron en Espagne. On y décèle la présence du gène FOXP2 lié au développement des zones cérébrales relatives au langage.
De son côté, l’espèce africaine a également connu son propre développement. Elle a évolué vers une morphologie svelte, élancée et légère, avec un crâne plus globulaire. Elle a opéré plusieurs sorties d’Afrique mais qui sont restées sans suite. Seule la dernière a pu se perpétuer, et c’est ce petit groupe de Sapiens qui allait peupler la planète.
Étonnamment, l’Homme européen et levantin, mieux adapté au climat froid, a disparu devant l’arrivée des Africains dont la descendance a fini par peupler tous les continents et jusqu’aux calottes glaciaires de l’Arctique. Pourquoi Néandertal s’est-il éteint après avoir côtoyé Homo sapiens durant plus de 20 mille ans? Ceci demeure un mystère. Cependant, Néandertal n’était pas la seule espèce à disparaître. Toutes les autres se sont également éteintes, dont l’Homme de Denisova, et même les Homo sapiens «archaïques» (des sorties d’Afrique antérieures).
Les premières sorties d’Afrique
Homo néandertalensis l’Européen avait fui le nord à la suite d’une ère de glaciation qui avait commencé il y a 120 mille ans. Arrivant au Levant, il a rencontré les Sapiens «archaïques». Ces populations de Sapiens étaient déjà là, au Levant et en Europe. Nous connaissons leur existence grâce à des fouilles telles que celle de la grotte d’Apidima dans le Péloponnèse, en Grèce, et celle de la grotte de Misliya, sur le Mont Carmel, en Israël. La première a révélé un fossile d’Homo sapiens vieux de 210 mille ans, et la seconde, un demi-maxillaire âgé de 185 mille ans.
Ces premières vagues de Sapiens hors d’Afrique n’ont pas contribué au patrimoine génétique de l’humanité actuelle. Elles n’ont pas résisté aux périodes glaciaires répétitives, et ont cédé le terrain au néandertalien bien mieux adapté au froid.
La dernière sortie d'Afrique
C’est seulement la sortie d’Afrique d’il y a 65 à 45 mille ans, qui a pu connaître un véritable succès planétaire. Selon l’hypothèse de certains chercheurs, il s’agirait d’un très petit groupe, d’environ 150 individus, qui serait à l’origine de toute la population de l’Eurasie, et au-delà, des deux Amériques et de l’Océanie.
Ceci est démontré par la génétique et plus précisément, par l’ADN mitochondrial transmis par la mère, ainsi que par le chromosome Y transmis par le père. Puisque ces deux parties du génome ne se recombinent pas lors de la fécondation, elles nous permettent de savoir que la totalité de l’humanité actuelle remonterait à une unique femme africaine baptisée Ève, et à un unique homme africain.
C’est donc petit à petit, et par vagues migratoires successives, que ce minuscule groupe d’Africains allait procéder au peuplement de la planète. Il se répand en Asie probablement en la longeant par le sud, et en Europe à partir du berceau levantin. C’est là, au Levant, qu’il y a 50 mille ans, Néandertal et Sapiens auraient procédé à une hybridation avant l’expansion de ce dernier sur tous les continents. Et c’est ce Sapiens métissé qui a atteint l’Australie et l’Europe vers 50 mille ans avant le présent, comme l’indique l’horloge génétique (comptage des mutations accumulée avec le temps). Mais il y a aussi les témoignages fossiles de restes humains comme ceux du lac Mungo, en Australie du Sud ou de la grotte Mandrin dans la vallée du Rhône.
Le berceau levantin
Les découvertes de la grotte Mandrin permettent de repousser les traces de l’Homo sapiens «moderne» (de la dernière sortie d’Afrique) en Europe du nord-ouest à 54 mille ans, alors que Néandertal n’aurait disparu qu’il y a 30 mille ans. Ils ont donc eu largement le temps d’échanger les idées, les techniques d’adaptation au froid, les connaissances et même les gènes. Tous les Européens, Levantins et Asiatiques actuels possèdent entre 1,8 et 2,6% d’ADN néandertalien. Et jusqu’à 20% du génome de Néandertal survit dans les génomes de l'ensemble de l’humanité actuelle. Car, à sa sortie d’Afrique d’il y a environ 60 mille ans, l’Africain (Homo sapiens), a vécu avec l’Européen (Homo néandertalensis) au Levant, avant de poursuivre sa colonisation de la planète.
Les vestiges humains de la grotte de Bacho Kiro en Bulgarie sont mêlés d’éclats tranchants typiques des Néandertaliens d’Europe, et des lames retouchées spécifiques des Sapiens levantins et de la culture matérielle désignée par «Paléolithique supérieur initial» (50 à 40 mille avant le présent). Cette industrie lithique de la grotte de Bacho Kiro, est clairement d’origine levantine comme le montrent les outils et fossiles de Ksar Akil dans la vallée d’Antélias, au cœur du Mont-Liban.
C’est donc là, au Levant, que se sont produits les échanges de gènes et d’idées qui allaient former les bases de la culture aurignacienne (47 à 41 mille ans avant le présent) et du Moustérien (qui s’achève il y a 35 mille ans), alors que de nouvelles vagues de migrations levantines préhistoriques continuaient à venir modifier le paysage génétique et culturel de l’Europe.
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