
Après des décennies de prospérité fondée sur les énergies fossiles, les monarchies du Golfe se tournent désormais vers l’hydrogène vert. Leur double objectif est de diversifier leurs économies et de donner corps à leur engagement déclaré en faveur de la lutte contre le changement climatique. Comme l’a affirmé Karim Elgendy, spécialiste de la transition écologique à l’AFP: «Les États du Golfe veulent prendre la tête du marché mondial de l'hydrogène». Aujourd’hui, plus que jamais, ces États se doivent de diversifier leurs économies pour préparer l’après-pétrole, et les énergies vertes sont donc devenues une alternative plus qu’intéressante.
Les énergies renouvelables, nouvel atout de la diversification
Même si les premières traces de la diversification économique sont apparues dans les années 1980 dans les pays du Golfe, la question des énergies propres n’y a émergé que plus récemment, autour des années 2010. Pour se préparer à une sortie progressive de leur rente pétrolière, ils ont commencé à élaborer des stratégies nationales avec des objectifs clairs. Ces stratégies se traduisent principalement par des investissements dans certains secteurs, notamment les technologies bas-carbone.
Le Qatar et Bahreïn sont les premiers à adopter des stratégies nationales dès 2008, mais avec des objectifs encore limités. Le Qatar les renforcera en 2015. Il faudra attendre 2016 et le lancement de Vision 2030 par l’Arabie saoudite pour voir apparaître une stratégie dotée de véritables objectifs: les Saoudiens souhaitent produire 50% d’électricité renouvelable d’ici à 2030. Les Émirats arabes unis suivent en 2017 avec la mise en place de l’«Energy Strategy 2050», visant à atteindre 44% d’énergies propres d’ici à 2050.
Depuis 2015, les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) ont investi plus de 100 milliards de dollars dans les énergies propres (solaire, éolienne, l’hydrogène, le captage de CO₂).
Au-delà de ces stratégies, les pays du Golfe ont conclu de nombreux accords avec d’autres puissances, telles que la Chine ou l’Union européenne, qui se sont spécialisées dans les énergies bas-carbone. Ces accords visent notamment à coopérer dans la construction d’infrastructures, à mettre en place des partenariats énergétiques stratégiques ou encore à partager des technologies.
Dans son dernier article, publié pour l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS) en avril 2025, sur les stratégies énergétiques des pays du Golfe, Emmanuel Hache, directeur de recherche de l'IRIS sur la prospective énergétique et l'économie des ressources naturelles, affirme que ce changement affaiblira temporairement ces pays, historiquement fondés sur les rentes pétrolières. En 2014, une véritable prise de conscience a eu lieu face à leur dépendance au pétrole. La forte chute des prix, causée par un excès d’offre lié à la révolution du gaz de schiste aux États-Unis et à un ralentissement de la demande mondiale, a souligné leur vulnérabilité et l’urgence de diversifier leurs économies en développant des sources d’énergie alternatives.
Freins structurels et enjeux socio-économiques persistants
Le secteur pétrolier demeure un pilier central des économies des pays du Golfe. Malgré les politiques de diversification économique, ces États continuent de dépendre fortement des hydrocarbures: selon un rapport du FMI publié en décembre 2023, le pétrole représente en moyenne 36% du PIB des pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG). Par ailleurs, les revenus publics liés aux hydrocarbures constituent environ 64% des recettes gouvernementales, avec une part moyenne de 75% des revenus publics provenant directement des rentes pétrolières.
Parallèlement au développement des filières d’énergies renouvelables, les investissements dans les hydrocarbures se sont intensifiés, alimentant le soupçon de greenwashing, une pratique consistant à se donner une image écologique trompeuse pour masquer des pratiques polluantes et suscitant des interrogations sur la sincérité de la transition écologique annoncée.
Si certains pays du Golfe affichent leur ambition de devenir des acteurs majeurs des énergies vertes, leurs politiques incluent toujours des investissements substantiels, voire croissants, dans les énergies fossiles.
La transition énergétique est également confrontée à des contraintes environnementales majeures. Le rapport «The Impact of Land Use on Water Resources in the GCC Region» met en lumière la rareté des précipitations dans la région, limitant la recharge des nappes phréatiques. Par ailleurs, l’agriculture et la désalinisation, activités essentielles mais très énergivores, renforcent la dépendance aux hydrocarbures. Enfin, l’urbanisation rapide accroît les besoins en eau et en électricité, notamment pour la climatisation, ce qui contribue à maintenir un fort recours aux énergies fossiles.
Malgré leur dépendance historique au pétrole, les pays du Golfe aspirent à se positionner comme des leaders des énergies bas-carbone. La tenue de la COP 28 à Dubaï illustre cette volonté de transition énergétique, associée à une stratégie d’influence régionale et internationale. Cependant, cette ambition suscite des critiques récurrentes concernant le greenwashing et les contradictions entre engagements écologiques affichés et pratiques réelles.
Commentaires