L'Ukraine surprise par l'arrêt de certaines livraisons d'armes américaines
Dmytro Chubenko, porte-parole du procureur de Kharkiv, observe les restes d’obus russes tirés sur Kharkiv et sa région, entreposés dans un champ servant au stockage de missiles russes, le 30 avril 2025, dans le contexte de l’invasion russe de l’Ukraine. ©Ivan Samoilov / AFP

L'Ukraine a appelé mercredi les États-Unis à maintenir un soutien militaire «constant» après l'annonce surprise de l'arrêt de la livraison de certaines armes à Kiev, un coup dur au moment où la Russie intensifie ses frappes en l'absence d'avancées diplomatiques pour régler le conflit.

Donald Trump s'est rapproché depuis janvier de son homologue russe Vladimir Poutine, mettant la pression pour obtenir un arrêt des combats, sans toutefois parvenir à des progrès concrets.

Mardi, de façon inattendue, son gouvernement a annoncé avoir cessé de fournir certaines armes à Kiev, officiellement en raison d'une inquiétude quant à la baisse des stocks de munitions américains.

Les États-Unis sont le premier soutien militaire de l'Ukraine depuis le début de l'invasion russe en février 2022.

Leurs armes, leurs munitions et leurs équipements – en plus de leur renseignement – ont permis aux forces ukrainiennes de contenir les soldats russes, qui occupent toutefois près de 20 % du territoire ukrainien.

Kiev reste «sérieusement dépendante» des livraisons militaires américaines, a affirmé à l'AFP un officier de haut rang de l'armée ukrainienne, sous couvert d'anonymat.

«L'Europe fait du mieux qu'elle peut mais ce sera dur pour nous sans les munitions américaines», a ajouté cette source.

«Clarifier»

La portée de cette décision de Washington n'est toutefois pas claire, pour l'heure.

Mercredi soir, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a affirmé que Washington et Kiev travaillaient actuellement pour «clarifier tous les détails» concernant l'aide militaire toujours fournie par les États-Unis à l'Ukraine, «y compris des composants pour la défense antiaérienne».

Plus tôt, le ministère ukrainien de la Défense avait dit ne pas s'être vu notifier «officiellement» cette décision par son allié américain et l'avait appelé à maintenir un soutien «constant».

Peu avant, la diplomatie ukrainienne avait convoqué dans la matinée le chargé d'affaires américain, John Ginkel, pour lui rappeler que «tout retard ou délai dans le soutien aux capacités de défense de l'Ukraine ne ferait qu'encourager l'agresseur à poursuivre la guerre et la terreur».

D'après Politico et d'autres médias américains, l'arrêt des livraisons à Kiev concerne notamment les systèmes de défense antiaérienne Patriot, l'artillerie de précision et les missiles Hellfire.

Or Volodymyr Zelensky appelait justement ces dernières semaines Donald Trump à lui vendre des systèmes Patriot (en plus de ceux déjà fournis) pour pouvoir contrer plus efficacement les attaques russes quotidiennes de missiles et de drones.

Il s'en était une nouvelle fois ouvert à son homologue américain au cours de leur dernière entrevue, en marge du sommet de l'Otan à La Haye, le 25 juin, mais celui-ci s'était montré évasif sur le sujet, estimant que Washington «en a également besoin».

Mercredi soir, le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Andriï Sybiga, a réaffirmé sur X que l'Ukraine était prête à «acheter ou louer» des systèmes de défense antiaérienne pour faire face «à la grande quantité de drones, bombes et missiles» envoyés par la Russie contre son pays.

Du côté des forces ukrainiennes, l'annonce américaine a été accueillie avec une certaine appréhension. «C'est bien sûr une déception», regrette Igor Stambol, un historien de 36 ans interviewé par l'AFP à Kiev.

Pour Andriï Novitski, un ouvrier de 53 ans, «on pouvait s'y attendre». Et d'ajouter, dépité: «L'Ukraine est livrée à Poutine».

Le Kremlin satisfait

De son côté, le Kremlin, sans surprise, s'est félicité de cette situation, considérant que cela rapprochait Moscou et Kiev de la fin du conflit, qui a déjà fait plusieurs dizaines de milliers de morts des deux côtés, civils et militaires compris.

«Moins il y a d'armes livrées à l'Ukraine, plus proche est la fin de l'opération militaire spéciale» (le nom officiellement donné en Russie à l'invasion de l'Ukraine, NDLR), a affirmé le porte-parole de Vladimir Poutine, Dmitri Peskov.

Pour Shashank Joshi, un expert de l'Institut RUSI à Londres, la décision américaine rend à l'inverse «de moins en moins probable que la Russie se donne la peine de négocier sérieusement».

Un rapport publié en mai par le groupe de réflexion CSIS (Center for Strategic and International Studies) alertait de son côté sur «la capacité», notamment «à long terme», de l'Ukraine «à lutter contre la Russie» en cas d'arrêt de l'aide américaine, un soutien que les Européens «ne peuvent remplacer».

Russes et Ukrainiens ont eu le 16 mai puis le 2 juin deux cycles de pourparlers en Turquie qui n'ont pas abouti à une percée majeure, tant les positions restent irréconciliables. Un troisième cycle n'a d'ailleurs toujours pas été annoncé.

AFP

 

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