
Et si l’avenir du processus de paix au Proche-Orient ne passait ni par deux États ni par un seul, mais par une série d’émirats tribaux réconciliés avec Israël? C’est l’hypothèse audacieuse que formuleraient, selon un article du Wall Street Journal publié samedi dernier, plusieurs chefs de clans palestiniens de la région d’Hébron, en Cisjordanie, à commencer par le puissant cheikh Wadih al-Jaabari.
Une rupture avec l’Autorité palestinienne
À Hébron, la ville la plus peuplée de Cisjordanie (avec près de 230.000 habitants), cinq chefs tribaux, menés par le cheikh Wadih al-Jaabari, auraient signé une lettre adressée au ministre israélien de l’Économie et ancien maire de Jérusalem, Nir Barkat, dans laquelle ils reconnaîtraient l’État d’Israël comme «l’État-nation du peuple juif» et appelleraient à l’établissement d’un «Émirat d’Hébron», détaché de l’Autorité palestinienne et intégré aux accords d’Abraham.
Selon le Wall Street Journal, ce plan inédit prévoyait aussi la création d’une zone économique conjointe et l’ouverture d’un canal de travail légal permettant, dans un premier temps, à 1.000 puis à 50.000 Palestiniens d’Hébron de travailler en Israël. En échange, les signataires garantiraient une «tolérance zéro» envers le terrorisme, dénonçant au passage la politique de l’Autorité palestinienne qui, selon eux, continuerait à verser des indemnités aux familles de terroristes.
Nir Barkat, qui aurait rencontré les chefs à plus d’une dizaine de reprises, verrait dans cette initiative une rupture salutaire avec le «processus d’Oslo», considéré comme un échec historique par les signataires. L’ancien maire de Jérusalem, proche de Benjamin Netanyahou, aurait partagé l’initiative avec le Premier ministre israélien, qui serait resté prudemment attentif, selon le journal américain.
Un modèle défaillant?
L’idée d’un émirat tribal à Hébron aurait été théorisée de longue date par Mordechai Kedar, professeur israélien à l’université Bar-Ilan et spécialiste des sociétés arabes, qui prône une «solution à huit États».
Selon lui, l’idéal serait de faire d’Hébron, de Naplouse, de Jéricho, de Qalqilya, de Jénine, de Tulkarem, de Bethléem et de Ramallah des enclaves autonomes. M. Kedar verrait dans la structure clanique un socle de gouvernance plus résilient que les modèles nationaux du monde arabe.
Toujours d’après M. Kedar, les échecs étatiques au Moyen-Orient témoigneraient de l’inadéquation des modèles centralisés, tandis que des entités tribales comme les Émirats arabes unis ou l’Arabie saoudite prospéreraient grâce à une autorité familiale forte et enracinée.
Le cheikh Wadih al-Jaabari, lui, ne mâcherait pas ses mots: «Il n’y aura pas d’État palestinien, même dans mille ans. Israël ne le permettra pas après le 7 octobre», aurait-il déclaré.
Selon lui, l’Autorité palestinienne ne représenterait plus personne: «Le seul lien qu’ils ont avec Hébron, c’est la collecte des taxes.»
Un projet insaisissable?
Mais le scénario séparatiste a été vivement désavoué. Les tribus palestiniennes d’Hébron ont fermement rejeté le projet dimanche dernier.
«Les Palestiniens sont un peuple conscient, et il est impensable pour eux d’abandonner leur cause», a déclaré Nafez al-Jaabari, représentant des tribus, lors d’une conférence de presse.
Il a dénoncé une initiative individuelle: «Nous, en tant que tribu Al-Jaabari, rejetons catégoriquement ce qui a été fait par un individu non reconnu par notre famille et qui ne réside pas à Hébron.»
Le clan a réaffirmé son engagement envers «les valeurs islamiques et nationales, le droit du peuple palestinien à l’autodétermination et la création d’un État palestinien indépendant avec Jérusalem-Est pour capitale».
L’initiative de l’émirat d’Hébron n’aura peut-être été qu’un mirage. Mais son émergence dit tout du désarroi politique en Cisjordanie… et de l’impasse d’un processus de paix à bout de souffle.
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