Quand le commerce désarme: pour une paix d’intérêt
Une photo fournie par le palais royal saoudien montre le prince héritier saoudien. Mohammed ben Salmane (D) saluant le président intérimaire de la Syrie, Ahmad el-Chareh, sous le regard du président américain, Donald Trump, à Riyad, le 14 mai 2025. ©Bandar Al-Jaloud / Palais royal saoudien / AFP

Les seigneurs de guerre répètent, d’habitude, à leurs adeptes: nous savons ce qui est bon pour vous, et vous devez vous battre pour une cause que nous avons préalablement définie. Dans un monde où les conflits peuvent être réglés par le droit, pourquoi pousser les peuples vers une violence aussi vide que coûteuse?

La guerre, un projet non rentable

Dans les sociétés fondées sur la coopération et le respect du droit, les différends sont généralement résolus par des mécanismes d’arbitrage plutôt que par la force. Cela inclut la Cour permanente d’arbitrage de La Haye, la Cour internationale de justice, les centres d’arbitrage commercial internationaux ou encore l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour le règlement des différends entre États sur les questions commerciales.

Cette dynamique découle non pas d’un altruisme naïf, mais de la logique de l’intérêt personnel, articulée par l’économiste écossais Adam Smith au XVIIIᵉ siècle. Les conflits armés sont extrêmement coûteux et destructeurs, et aucun individu raisonnable n’a intérêt à fusiller son prochain pour solder un différend.

Les entreprises privées cherchent à réduire leurs coûts, à éliminer les inefficacités et à maximiser leurs profits. Les gouvernements, eux, ne suivent pas cette logique. Le politicien lambda n’a aucun intérêt à être efficace: son revenu n’est pas directement lié à sa productivité et, la plupart du temps, il ne subit pas les conséquences de ses erreurs. Quand une entreprise privée est inefficace, ses profits chutent, ses coûts grimpent, ses actionnaires se rongent les ongles, elle fait faillite. Quand l’État est inefficace, on gaspille l’argent du public. Comme si les pots cassés ne suffisaient pas, le contribuable se voit contraint de payer les ruines d’une guerre qu’on lui a imposée sans lui demander son avis, déclenchée par des acteurs locaux parlant en son nom, mais agissant dans son dos.

La paix des intérêts

Quand les marchandises ne traversent pas les frontières, les soldats le font. Dans lEsprit des lois (1748), le philosophe français Montesquieu souligne que le commerce adoucit les mœurs en tissant un treillis de liens d’interdépendance. On voit bien que le philosophe des Lumières n’est pas tombé dans la désuétude.

Dans cette perspective, le président des États-Unis, Donald Trump, adopte une approche pragmatique de la paix, en particulier au Moyen-Orient. Les accords d’Abraham, signés à partir de septembre 2020 entre Israël, les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Maroc et le Soudan, ont été concrétisés à travers des projets tangibles: vols directs, visas d’affaires, partenariats technologiques, coopération énergétique, etc. La paix y a pris la forme d’un contrat, non d’un serment.

Le think tank américain RAND Corporation estime que les accords d’Abraham pourraient créer 4 millions d’emplois et générer 1.000 milliards de dollars sur dix ans. Déjà, le commerce entre Israël et les pays signataires a grimpé de 234% entre 2020 et 2021, et les échanges avec les Émirats sont passés de 50 millions à plus de 600 millions de dollars. Et ce n’est que le début.

Ces chiffres ne sont pas de la propagande: ce sont les effets tangibles du libre-échange, rendus possibles grâce à la paix. La prospérité naît ici d’intérêts convergents et non de discours éthérés. C’est la paix objective, mesurable et durable, contrairement à la rigidité des «trois non» de la résolution de Khartoum, adoptée par la Ligue arabe en 1967 après la guerre des Six Jours: pas de paix avec Israël, pas de reconnaissance d’Israël, pas de négociation avec Israël.

Cette paix par intérêt trouve un écho chez le philosophe allemand Emmanuel Kant. Dans Vers la paix perpétuelle (1795), il affirme que les républiques commerçantes auront toujours moins tendance à se faire la guerre que les empires absolus. Non pas par vertu, mais par prudence. Parce que ce sont les peuples, et non leurs princes, qui paient le prix du sang.

La supériorité de l’économie de marché – et, par extension, de la paix – n’est plus seulement une conviction philosophique: c’est une réalité chiffrée.

«Tous ceux qui prendront l'épée périront par l'épée», rappelait le Christ. À bon entendeur, salut.

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