
Après avoir promis à Donald Trump de dépenser plus pour leur défense, les pays européens de l'Otan guettent désormais son verdict sur la présence américaine en Europe, attendu dans les prochains mois.
Le Pentagone doit présenter d'ici à l'automne ses recommandations sur les futurs déploiements de troupes américaines en dehors des États-Unis. Il appartienda ensuite au locataire de la Maison Blanche d'en décider.
Quelque 85.000 soldats américains sont actuellement stationnés en Europe. Et les Européens savent que ce chiffre est appelé à baisser.
«Il y a toutes les raisons de croire à un retrait des États-Unis d'Europe», juge Marta Mucznik, experte de l'International Crisis Group. Et «la question n'est pas de savoir si cela va arriver, mais à quelle vitesse», prévient-elle dans un entretien avec l'AFP.
Les plus optimistes espèrent une baisse étalée dans le temps, d'un maximum de quelque 20.000 hommes, qui ramènerait le niveau des troupes américaines en Europe à celui qui prédominait avant l'invasion russe de l'Ukraine en février 2022.
«Ce ne serait pas la fin du monde», assure un diplomate européen à l'Otan.
Il sera toutefois essentiel de mettre «le curseur» au bon endroit, fait valoir un autre diplomate à Bruxelles. Un retrait limité, et les alliés européens, rassurés sur l'engagement américain, risqueraient de sombrer dans la léthargie, selon lui. Trop ample, et les Européens seraient sous le choc et l'Otan en crise, ajoute-t-il.
Les États-Unis n'ont rien dit de leurs intentions mais s'efforcent de rassurer leurs alliés.
«Pas de surprises»
«Nous nous sommes mis d'accord pour qu'il n'y ait pas de surprises, ni lacunes» dans les capacités de défense du continent européen, a assuré l'ambassadeur américain auprès de l'Otan Matthew Whitaker.
«L'Otan se coordonne avec Washington et il n'y a pas d'inquiétude particulière», fait valoir un responsable de l'Alliance.
Les États-Unis cherchent depuis plusieurs années à réorienter leurs priorités stratégiques vers l'Asie, y compris en réduisant leur «empreinte» en Europe, explique à l'AFP Ian Lesser, expert des questions de sécurité auprès du German Marshall Fund, un think tank américain basé à Bruxelles.
Le retour de Donald Trump au pouvoir en janvier n'a fait qu'accentuer cette tendance.
Le secrétaire américain à la Défense, Pete Hegseth, avait tétanisé ses alliés européens en février en annonçant qu'ils devaient désormais prendre la «responsabilité de leur propre sécurité conventionnelle sur le continent». En clair, comptez sur vos propres armées et non plus sur celles de l'Amérique, même si celle-ci reste engagée dans l'Otan, notamment en matière de dissuasion nucléaire.
Perdre «la glu»
Plus encore que le retrait des troupes, un diplomate redoute une éventuelle perte de cette cohésion garantie par Washington en terme de transport, de logistique et de surveillance de l'espace, cette «glu» américaine qui soude les alliés, selon son expression.
Pour Ian Lesser, la question du calendrier américain est essentielle, car les promesses faites par les Européens à La Haye «ne se traduiront en termes de capacités réelles que sur de nombreuses années».
Lors de son premier mandat (2017-2021), Donald Trump avait tenté, en vain, de réduire le nombre de soldats américains en Allemagne, rappelle-t-on aussi dans les couloirs de l'Otan. «Cela s'était avéré difficile à faire en raison de l'opposition au Congrès et du coût élévé de l'opération», souligne encore Ian Lesser.
«Je ne m'attends pas à ce que ce soit une refonte dramatique. Je pense que ce sera progressif, dans un processus basé sur des consultations», veut croire un diplomate de l'Alliance.
Mais bien sûr, nul n'est totalement à l'abri d'une volte-face du président américain, qui pourrait se «fâcher» contre les Européens pour une raison ou une autre, relève un autre.
«Que se passera-t-il, si nous avons tous tort et qu'un retrait est entamé dès 2026», sans un minimum de concertation, s'inquiète un troisième.
Par Max DELANY et Olivier BAUBE/AFP
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