
En concluant un accord commercial d'envergure avec l'Union européenne, le président américain Donald Trump réalise un tournant décisif pour l'économie américaine.
Annoncé dimanche dernier, cet accord stratégique restructure profondément les relations économiques transatlantiques tout en consolidant la souveraineté industrielle, énergétique et géopolitique des États-Unis.
Un cadre inédit pour un nouvel ordre commercial
Présenté par la Maison-Blanche comme un «deal colossal», l'accord repose sur un socle tarifaire inédit: un tarif de base de 15% pour la majorité des biens européens exportés vers les États-Unis, y compris l'automobile, les semi-conducteurs et les produits pharmaceutiques.
En échange, l'UE élimine les droits de douane sur les produits industriels américains et ouvre davantage son marché aux exportateurs américains.
Ce pacte s'accompagne de deux engagements chiffrés historiques: 750 milliards de dollars d'achats d'énergie américaine par l'Union européenne d'ici 2028, et 600 milliards de dollars d'investissements directs européens aux États-Unis.
Pour Washington, il s'agit de «rééquilibrer fondamentalement la relation économique entre les deux plus grandes économies du monde».
Comme le rappelle le think tank Atlantic Council, cet accord a permis d'éviter «une guerre commerciale autodestructrice dans la relation commerciale et d'investissement la plus profonde au monde».
Une stratégie pensée pour durer
Selon le Center for Strategic and International Studies (CSIS), cette approche tarifaire repose sur quatre piliers: des tarifs uniformes par partenaire, le maintien de tarifs élevés sur les secteurs stratégiques (acier, aluminium), des engagements d'achat au lieu d'une réciprocité tarifaire automatique, et surtout l'absence de représailles.
Le CSIS note que, si elle est bien calibrée, cette stratégie pourrait générer un gain de 2,2% du PIB américain grâce à l'amélioration des termes de l'échange, c'est-à-dire le rapport entre les prix des exportations et ceux des importations, souvent exprimé en pourcentage.
Si le ratio augmente, cela signifie que les États-Unis peuvent obtenir plus d’importations pour une même quantité d’exportations. S’il diminue, le pays doit exporter davantage pour payer ses importations.
Cet accord suit la logique des précédents accords conclus avec le Japon ou le Vietnam, en mettant l’accent sur les achats d’énergie et l’augmentation des investissements directs étrangers.
L'énergie américaine au cœur du pacte
Avec l'engagement européen de 750 milliards de dollars d'achats énergétiques – pétrole, gaz naturel, nucléaire –, les États-Unis renforcent leur position de superpuissance énergétique.
Les producteurs américains y voient une opportunité historique. Quelques heures après l'annonce de l'accord, Venture Global, un exportateur américain de gaz naturel liquéfié (GNL) ayant conclu plusieurs contrats en Europe, a déclaré qu'il allait de l'avant avec un projet de 15 milliards de dollars visant à produire 28 millions de tonnes de GNL par an, soit près de la moitié de la demande actuelle de gaz en Allemagne.
L'American Petroleum Institute, puissant lobby énergétique, salue un accord qui «solidifie le rôle de l'Amérique comme fournisseur énergétique incontournable».
Mais l'Atlantic Council souligne un autre enjeu stratégique de cette manne énergétique: elle permettra à l'UE d'alimenter des infrastructures critiques comme les centres de données et les technologies d'intelligence artificielle, grâce à une énergie de base fiable.
Une protection ciblée et assumée
Les revenus douaniers issus de cet accord pourraient couvrir jusqu'à 1,1% du PIB américain, selon le CSIS, ce qui représente environ 5% du budget fédéral. Si ces recettes sont utilisées pour réduire l'impôt sur le revenu, les gains de productivité et d'emploi pourraient être substantiels.
Le maintien de droits de douane élevés – 50% sur l'acier, l'aluminium et le cuivre – vise à protéger des secteurs stratégiques, à soutenir la réindustrialisation et à renforcer la résilience des chaînes d'approvisionnement.
L'accord impose aussi des règles d'origine strictes afin de s'assurer que les avantages profitent uniquement aux entreprises américaines et européennes.
Une stabilité bienvenue
Pour Donald Trump, cet accord s'inscrit dans une doctrine cohérente de rééquilibrage commercial, amorcée avec le Royaume-Uni, le Japon, le Vietnam et l'Indonésie. La signature de l’accord a rassuré les milieux financiers, qui redoutaient une guerre commerciale majeure. D'ailleurs, le S&P 500 et le Nasdaq ont clôturé lundi en hausse.
Enfin, l’Atlantic Council note que cet accord dépasse la seule sphère commerciale. Il s'agit aussi d'un levier géopolitique, conçu pour maintenir l'implication stratégique de Donald Trump vis-à-vis de l'Europe.
En frappant fort sans déclencher la riposte, Donald Trump n’a pas seulement négocié un accord commercial, il a imposé un nouveau rapport de force mondial. Désormais, accéder au marché américain se paie et se négocie aux conditions de l'Amérique.
Loin d'un isolement économique, ce pacte incarne le retour d'une Amérique conquérante, respectée et centrale dans la définition des normes globales.
Commentaires