La cloche de Nagasaki renaît, 80 ans après la bombe atomique
Cette photo prise en 1948 montre une vue de la ville dévastée d'Hiroshima, au Japon, trois ans après que la première bombe atomique a été larguée sur une population. Le bombardement nucléaire américain d'Hiroshima, le 6 août 1945, a fait environ 140 000 morts. Il a été suivi, quelques jours plus tard, par le bombardement de Nagasaki, le 9 août, qui a tué environ 74 000 personnes. Les deux bombardements ont porté le coup final au Japon impérial, qui s'est rendu le 15 août 1945, mettant fin à la Seconde Guerre mondiale. ©AFP

À Nagasaki, la cloche de la cathédrale détruite par la bombe atomique en 1945 retentira de nouveau après huit décennies de silence. Restaurée grâce à l’initiative de catholiques américains, elle portera un message universel de paix et de réconciliation.

La cloche d'une cathédrale détruite par l'explosion atomique à Nagasaki en 1945 et restaurée par des chrétiens américains doit retentir pour la première fois depuis 80 ans samedi, lors des commémorations du bombardement de cette ville japonaise, adressant au monde un message de paix.
Le 9 août 1945 à 11 h 02, trois jours après Hiroshima, Nagasaki subit à son tour l'horreur d'une bombe nucléaire. Quelque 74 000 personnes trouvent la mort dans cette ville portuaire du sud-ouest du pays, s'ajoutant aux 140 000 victimes d'Hiroshima.
Ces bombardements portent le coup de grâce au Japon, qui capitule le 15 août 1945, mettant fin à la Seconde Guerre mondiale.
Mais les historiens continuent de débattre pour savoir si ces bombardements ont réellement permis d'épargner davantage de vies en précipitant la fin du conflit, face au calvaire des hibakusha (les survivants de la bombe), victimes de discrimination et exposés pour le restant de leur vie à un risque accru de développer certains cancers.

Cette année, les commémorations de l'attaque nucléaire sur la ville résonneront d'une nouvelle nuance : celle d'une cloche de la cathédrale de l'Immaculée-Conception de Nagasaki.
L'imposante cathédrale de briques rouges, flanquée de ses deux clochers et dressée au sommet d'une colline, a été rebâtie en 1959 après que le bâtiment d'origine eut été soufflé par l'explosion de la bombe atomique à quelques centaines de mètres de là.
Seule une de ses deux cloches avait été retrouvée dans les décombres, le clocher nord restant obstinément muet.

«Insensé d'ôter la vie d'autrui»

Pour le prêtre principal de la cathédrale, Kenichi Yamamura, cette restauration «montre la grandeur de l’être humain, la preuve que des personnes appartenant au camp qui en a blessé un autre peuvent un jour vouloir se racheter».
«Il ne s’agit pas d'oublier les blessures du passé, mais de les reconnaître et d’agir pour réparer, pour reconstruire, et ainsi, pour œuvrer ensemble à la paix», explique M. Yamamura à l'AFP.
L'évêque y voit aussi un message au monde entier, secoué par de multiples conflits et lancé dans une folle course à l'armement.
«Il ne faut pas répondre à la violence par la violence, mais plutôt montrer par notre façon de vivre, de prier, à quel point il est insensé d'ôter la vie d'autrui», estime-t-il.

Près de 100 pays, un record, doivent participer cette année aux commémorations à Nagasaki, y compris la Russie, qui n'avait plus été conviée depuis son invasion de l'Ukraine en 2022.
Israël, dont l'ambassadeur n'avait pas non plus été invité l'an dernier en protestation contre le conflit à Gaza, provoquant le boycott de la cérémonie par les ambassadeurs des autres pays du G7, devrait également être représenté.
Cette année, «nous voulions que les participants viennent et constatent directement la réalité de la catastrophe qu'une arme nucléaire peut engendrer», avait déclaré un responsable de Nagasaki à l'AFP la semaine dernière.

Des «siècles de martyre, de tortures»

C'est un professeur d'université américain, dont le grand-père avait participé en tant que médecin au Projet Manhattan, à l'origine des bombes atomiques de la Seconde Guerre mondiale, qui a mené à bien le projet de restauration de la cloche.
Lors de recherches à Nagasaki, un chrétien japonais lui avait confié qu'il aimerait entendre de son vivant sonner ensemble les deux cloches de la cathédrale.
Séduit par l'idée, James Nolan, professeur de sociologie à l'université Williams dans le Massachusetts, entreprend alors une série de conférences sur la bombe atomique dans tous les États-Unis et parvient à récolter 125 000 dollars (107 200 euros) pour financer la fabrication d'une nouvelle cloche aux États-Unis.

Quand la cloche a été présentée au public de Nagasaki au printemps, «les réactions étaient magnifiques. Il y avait des gens littéralement en pleurs», se souvient M. Nolan.
Beaucoup de catholiques américains qu'il a rencontrés ignoraient aussi l'histoire douloureuse des chrétiens de Nagasaki, qui, convertis au XVIe siècle par les premiers missionnaires européens puis persécutés par les shoguns japonais, ont transmis leur foi dans la clandestinité pendant plus de 250 ans.
Cette histoire a été racontée dans le roman Silence de l'écrivain catholique japonais Shusaku Endo, porté à l'écran par Martin Scorsese en 2016.
«On parle de siècles de martyre, de tortures, de clandestinité, de moquerie et de persécution pour leur foi», souligne M. Nolan.
Il raconte que les catholiques américains ont aussi montré «compassion et tristesse» face aux récits de la persévérance des chrétiens de Nagasaki même après la bombe atomique, qui a tué 8 500 des 12 000 fidèles de la paroisse.
Ils ont été inspirés par «leur volonté de pardonner et de reconstruire, et leur engagement dans la prière».

Par Mathias CENA / AFP

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