
Balançant entre fiction et réalité, I Love Peru, premier long-métrage coréalisé par Raphaël Quenard et Hugo David, explore avec humour et excès l’ascension d’un comédien au caractère improbable. Du tournage improvisé dans des chambres d’hôtel aux séquences surréalistes au Pérou, le film révèle un personnage à la fois grotesque et vulnérable.
Présenté au dernier Festival de Cannes, le documentaire I Love Peru propose une expérience cinématographique hors norme. Le film, coréalisé par Raphaël Quenard et Hugo David, brouille délibérément les frontières entre fiction et réalité, décrivant l’acteur de 34 ans comme à la fois vulgaire et indéniablement humain.
Le récit suit un comédien «biscornu», en l’occurrence Raphaël Quenard lui-même, catapulté dans une course effrénée vers le succès et délaissant ses proches sur sa route. Sa carrière, son ego et ses incohérences sont filmés sans concession par Hugo David, son compagnon de longue date. Les deux cinéastes s’étaient rencontrés sur le tournage de Chien de la casse. De tournages improvisés dans des chambres d’hôtel en terrasses de kebab ou moments d’intimité embarrassants, le documentaire-fiction dresse le portrait d’un personnage hilarant et menaçant à la fois, faisant le grand écart entre philosophie et exagération.
Dans cette parodie assumée, Raphaël Quenard entreprend une mise à nu vaillante: il montre l’être humain dans toute sa vulgarité, sans inhibition, se montre abusivement égocentrique et même intolérable. Des interactions avec des collaborateurs comme François Civil ou Jean-Pascal Zadi appuient ce portrait intentionnellement démesuré, alors que les séquences au Pérou, à la recherche d’un condor légendaire, ajoutent une dimension aberrante mais saisissante à son introspection. Au-delà de l’humour acerbe, le film établit des moments de vulnérabilité franche, rappelant que derrière l’ego trip, se dissimule un artiste doté d’une sensibilité sans faille.
I Love Peru s’inscrit dans la continuité de L’Acteur (2023), déjà réalisé par Raphaël Quenard et Hugo David, mais développe ici l’autodérision à son comble. L’absurde va de pair avec l’émotion, et l’intrusion du réel dans la fiction questionne le personnage public de Raphaël Quenard, mais aussi l’interaction comédien-spectateur. Hugo David, en voix off, résume parfaitement le projet: «À force de jouer des personnages, il en est devenu un. Un comédien sans spectateur, il parle tout seul. J’étais devenu son spectateur.»
Zoom sur Raphaël Quenard
L’ascension de Raphaël Quenard repose sur une alchimie rare de culot et d’authenticité. Son discours atypique, son accent particulier, ses observations décalées, son vocabulaire riche et son humour souvent grinçant reproduisent un univers reconnaissable entre mille. Son succès médiatique, raffermi par la promotion synchronique de son livre Clamser à Tataouine et de ses projets cinématographiques, s’explique par son aptitude à convertir sa personnalité en matière artistique, tout en gardant un lien abrupt avec son public. Raphaël Quenard est de ces rares personnalités qui osent, sans autocensure, mêler provocation et sensibilité, vulnérabilité et créativité, proposant aux spectateurs une expérience à la fois déroutante et sincère.
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