
Sous médiation américaine, la Syrie et Israël ont entamé mardi à Paris de nouveaux pourparlers pour tenter de réduire les tensions entre eux. Au cœur des discussions: la province druze de Soueïda, où des affrontements meurtriers ont fait plus de 1.400 morts en juillet, et la possibilité d’un retour à l’accord de désengagement de 1974.
Damas et Tel Aviv ont, une nouvelle fois, renoué mardi avec le dialogue à Paris. Le ministre syrien des Affaires étrangères, Assaad el-Chibani, a rencontré le ministre israélien des Affaires stratégiques, Ron Dermer, pour tenter d’apaiser les tensions et trouver des moyens de stabiliser le sud de la Syrie, secoué ces dernières semaines par de violents affrontements. Il s'agit de la seconde rencontre directe en moins d’un mois entre les deux pays, après plus de vingt-cinq ans de quasi-rupture diplomatique.
D’après l’agence officielle syrienne Sana, les discussions ont porté sur la mise en place de mécanismes de désescalade, le respect du cessez-le-feu décrété le 19 juillet à Soueïda et le soutien aux accords favorisant la stabilité. Les parties ont également évoqué un éventuel retour à l’accord de désengagement de 1974, qui avait instauré une zone tampon sur le plateau du Golan. Ces échanges se sont déroulés sous médiation américaine, Washington cherchant à éviter une nouvelle flambée de violences dans la région.
L’émissaire spécial des États-Unis pour la Syrie, Tom Barrack, a joué un rôle central dans ces discussions et a parallèlement rencontré à Paris le leader spirituel des druzes israéliens, Moafaq Tarif, pour explorer la mise en place d’un corridor humanitaire entre Israël et Soueïda. M. Tarif a soutenu cette initiative et a appelé à la fin du blocus imposé par le gouvernement syrien, tout en affirmant son engagement pour la paix et la protection de la communauté druze.
Soueïda, épicentre des tensions
La province druze de Soueïda reste au cœur d’une crise majeure. Depuis mi-juillet, des affrontements meurtriers entre milices druzes et tribus bédouines ont fait environ 1.600 morts, dont de nombreux civils, et provoqué des déplacements massifs. Les forces de Damas ont imposé un blocus sévère, limitant l’accès à la nourriture, au carburant et aux soins, tandis que les hôpitaux croulent sous les blessés et les corps non pris en charge.
Privés de soutien de l’État, les druzes ont mis en place des structures locales pour assurer justice et services essentiels. Des manifestations massives réclament désormais l’autodétermination, certains manifestants allant jusqu’à saluer Israël pour son rôle symbolique dans la protection de la minorité. Cette situation illustre la fragilité persistante de la Syrie post-Assad, où tensions communautaires, autonomies locales et interventions étrangères rendent toute stabilité extrêmement précaire.
Le discours de Damas
Cette rencontre diplomatique intervient dans un climat politique inédit pour la Syrie. Depuis la chute de l’ancien régime, le pays est dirigé par un pouvoir islamiste intérimaire. Le président Ahmad el-Chareh tente d’afficher une ligne plus conciliante. Samedi, lors d’un discours à Idleb, il a affirmé que l’unification de la Syrie ne devait pas se faire «dans le sang ou par la force militaire», mais par le dialogue. «La Syrie est fatiguée de la guerre», a-t-il lancé, tout en accusant Israël de «s’ingérer directement» dans les affaires syriennes, notamment à Soueïda. Il a également reconnu que des violations avaient été commises par toutes les parties, y compris par des forces de sécurité et de l’armée, et promis que les responsables seraient tenus pour compte.
Malgré ces ouvertures, la méfiance reste de mise. La Syrie et Israël sont toujours techniquement en état de guerre, et les manifestations qui ont agité Soueïda le week-end dernier, certaines avec des drapeaux israéliens et des appels à l’autodétermination, montrent à quel point le pays reste fracturé.
Les discussions de Paris témoignent d’une volonté d’éviter un nouvel embrasement et de répondre aux besoins humanitaires de la population druze de Soueïda, mais rien ne garantit qu’elles déboucheront sur des avancées concrètes. Entre les revendications kurdes au nord-est, les tensions communautaires au sud et l’ombre persistante d’Israël, la Syrie se trouve à un carrefour.
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