Génération Z: la colère traverse les continents
Des forces de sécurité procédant à l'arrestation d'un manifestant lors d'un rassemblement de jeunes à Rabat, au Maroc. Des jeunes de la Génération Z manifestent dans plusieurs pays pour exiger des droits sociaux. ©Ici Beyrouth

Un véhicule de police fonce sur des manifestants et blesse plusieurs d’entre eux. La scène a été filmée et relayée par les médias marocains. Elle illustre la montée rapide des tensions au Maroc, où la jeunesse est dans la rue depuis quatre jours. Mais ce mouvement autoproclamé «Génération Z» dépasse largement les frontières du Royaume. Du Pérou à Madagascar, du Népal au Kenya, jusqu’en Indonésie et aux Philippines, des milliers de jeunes protestent depuis plusieurs semaines contre la vie chère, la corruption et le manque d’infrastructures. Si les slogans varient, la colère est la même: exiger des dirigeants des réponses concrètes à des décennies de promesses non tenues.

Au Maroc, la contestation a pris une ampleur inédite depuis quatre jours. De Rabat à Casablanca, d’Oujda à Tiznit, mais aussi à Agadir, des milliers de jeunes se mobilisent autour du collectif Gen Z 212, jusque-là inconnu. Les heurts se sont multipliés: affrontements avec les forces de l’ordre, jets de pierres et véhicules incendiés.

 

Mardi soir, à Oujda, un fourgon des forces de l’ordre a percuté un manifestant, grièvement blessé aux jambes. Des rumeurs de décès ont circulé dans la nuit, mais les autorités locales ont démenti et précisé que le jeune était pris en charge et que sa vie n’était pas menacée.

Les slogans visent directement les inégalités sociales: «Pas de Mondial sans hôpitaux», «Du pain, pas des stades», «Éducation et santé pour nos enfants, pas de milliards pour la FIFA». La contestation dénonce l’écart entre les milliards investis dans la Coupe d’Afrique 2025 et la Coupe du monde 2030, et la réalité d’un système éducatif et de santé jugé sinistré.

Des dizaines d’arrestations ont été recensées à Casablanca, Rabat et Agadir. Parmi les personnes interpellées, la majorité a retrouvé la liberté. Mais le parquet a précisé qu’un premier groupe de 37 individus, dont trois maintenus en détention provisoire, comparaîtra devant la justice à partir du 7 octobre.

Ces mobilisations surviennent également dans un climat alourdi par un drame sanitaire. Huit femmes enceintes sont récemment décédées à l’hôpital public d’Agadir après avoir été admises pour des césariennes, selon la presse locale. À la suite de ce scandale, le directeur de l’établissement et plusieurs responsables ont été relevés de leurs fonctions, une enquête administrative a été ouverte et de nouveaux investissements promis. 

Le gouvernement assure vouloir dialoguer, mais la colère continue de monter.

Madagascar: la rue contre Rajoelina

À Madagascar, les coupures d’eau et d’électricité ont mis le feu aux poudres. Le mouvement Gen Z appelle à la grève générale et réclame désormais la démission du président Andry Rajoelina, au pouvoir depuis 16 ans. À Antananarivo, comme dans d’autres grandes villes, des dizaines de milliers de personnes scandent «Rajoelina, dégage». La répression a fait au moins 22 morts et des centaines de blessés, selon l’ONU.

Le président a annoncé la dissolution du gouvernement, une mesure jugée insuffisante par les manifestants, qui revendiquent la dissolution du Sénat, de la Haute Cour constitutionnelle, et un procès contre certains hommes d’affaires accusés de corruption.

Pérou: contre la présidente Boluarte

À Lima et dans plusieurs villes péruviennes, la jeunesse manifeste contre la présidente Dina Boluarte. Le mouvement Gen Z y dénonce la corruption, les inégalités sociales et un système de retraites qualifié d’injuste. Au moins 19 blessés ont été recensés lors d’affrontements récents. Les slogans visent la classe politique dans son ensemble, accusée de ne pas répondre aux besoins de base, dans les secteurs de l’emploi, de l’éducation et de la sécurité.

Népal: le déclencheur

Le Népal reste l’un des foyers originels de ce mouvement, selon plusieurs observateurs. Tout est parti début septembre, après la décision du gouvernement de bloquer 26 plateformes sociales, dont Facebook et YouTube. Cette attaque frontale contre la liberté numérique a galvanisé la jeunesse. Les manifestations ont conduit à l’assaut du Parlement, faisant 19 morts et des centaines de blessés. Face à la colère, le Premier ministre, Khadga Prasad Sharma Oli, a fini par démissionner.

Les slogans népalais dénoncent la corruption, le népotisme et défendent la liberté d’expression en ligne: «Internet est notre voix», «Non aux héritiers politiques». 

Algérie: des appels sous surveillance

En Algérie, aucun défilé n’a encore eu lieu, mais les appels à manifester ce vendredi 3 octobre circulent sous le nom de Gen Z 213. L’agence officielle APS (Algérie Presse Service), accuse le Maroc d’être derrière ces appels, en les présentant comme une tentative d’ingérence. L’APS pointe aussi l’usage de symboles culturels étrangers, comme le drapeau pirate inspiré de One Piece, déjà vu au Népal et à Madagascar.

En attendant, le gouvernement algérien met en avant son modèle social (gratuité de l’éducation et de la santé) et dénonce une manœuvre destinée à «semer l’instabilité».

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