France: mission de la dernière chance pour le Premier ministre démissionnaire
Le président français Emmanuel Macron s’entretient avec le Premier ministre luxembourgeois au château de Senningen, au Luxembourg, le 3 octobre 2025. ©Nicolas Tucat / AFP

Le président français Emmanuel Macron a demandé lundi à Sébastien Lecornu, Premier ministre qui venait de démissionner 14 heures seulement après avoir formé son gouvernement, de mener «d'ultimes négociations» pour recoller les morceaux de sa coalition qui a implosé.

Il a confié au «Premier ministre démissionnaire en charge des affaires courantes la responsabilité de mener, d'ici mercredi soir, d'ultimes négociations afin de définir une plateforme d'action et de stabilité pour le pays», a annoncé l'Élysée.

«Je dirai au chef de l'État mercredi soir si cela est possible ou non, pour qu'il puisse en tirer toutes les conclusions qui s'imposent», a répondu sur X M. Lecornu.

Le renoncement lundi de Bruno Le Maire au poste de ministre des Armées sera-t-il en mesure de débloquer la situation ? La nomination de l'ex-ministre des Finances avait en effet ulcéré la droite, qui le tient pour responsable des dérapages budgétaires des dernières années.

En tout cas, M. Macron «prendra ses responsabilités» en cas de nouvel échec des discussions, a ensuite fait savoir son entourage.

Le chef de l'État, qui a toujours exclu jusqu'à présent de démissionner, semble ainsi faire planer la menace d'une nouvelle dissolution de l'Assemblée nationale, après celle de 2024.

«Fin de règne»

«La fin de règne de la Macronie est interminable. Qu'ils s’en aillent tous!», a réagi Mathilde Panot, la cheffe des députés du mouvement de gauche radicale La France insoumise (LFI).

La journée avait commencé par un nouveau coup de tonnerre politique.

Troisième Premier ministre désigné en un an depuis la dissolution de l'Assemblée par M. Macron en juin 2024, M. Lecornu, nommé le 9 septembre et qui devait tenir son premier Conseil des ministres lundi, s'est rendu aux premières heures au palais de l'Élysée pour remettre sa démission au président, qui l'a d'abord formellement acceptée.

«Les conditions n'étaient plus remplies» pour rester, a-t-il déclaré un peu plus tard, regrettant «les appétits partisans» ayant conduit à sa démission.

Une allusion claire au patron du parti de droite Les Républicains (LR), Bruno Retailleau, qui dimanche soir a précipité sa chute quelques heures après qu'il a accepté de rester au gouvernement.

Démission, dissolution ou cohabitation

Les partis politiques «continuent d'adopter une posture comme s'ils avaient tous la majorité absolue», a déploré M. Lecornu.

Il a notamment regretté que ses différentes prises de position n'aient «pas permis» d'évacuer la menace d'une censure agitée par la gauche et le parti d'extrême droite Rassemblement national (RN).

Son gouvernement a été le plus bref depuis l'instauration en France en 1958 de la Ve République. Sa chute plonge le pays dans une crise politique sans précédent, aggravant l'impasse née de la dissolution de 2024.

Le président de la République était dès lors au pied du mur, avec peu de cartes en main.

Hormis cette mission de la dernière chance, il peut dissoudre une Assemblée divisée en trois blocs comme le demande le RN; démissionner comme le voudrait LFI ; ou nommer un Premier ministre de gauche comme l'ont de nouveau réclamé lundi écologistes et socialistes. Voire faire appel à une personne sans étiquette à la tête d'un «gouvernement technique».

Presque simultanément à la démission de M. Lecornu, les dirigeants du RN ont appelé M. Macron à convoquer de nouvelles élections législatives anticipées. Marine Le Pen a jugé une dissolution «absolument incontournable» et même estimé qu'une démission du chef de l'État serait «sage».

Le leader de LFI Jean-Luc Mélenchon lui a demandé l'examen «immédiat» d'une motion de destitution du président, car ce dernier est selon lui «à l'origine du chaos».

«Dignité et honneur»

Les socialistes, qui avaient réclamé un nouveau vote parlementaire sur la très impopulaire réforme des retraites pour ne pas censurer M. Lecornu, ont demandé au président de nommer un Premier ministre «issu de la gauche et des écologistes» et «ouvert aux compromis».

Mais un tel chef de gouvernement, ce serait sans LR car pour M. Retailleau, «il est hors de question de cautionner un Premier ministre de gauche».

Pointé du doigt par M. Lecornu, le ministre démissionnaire de l'Intérieur ne se sent «pas du tout» responsable de la crise.

Face à ce nouveau rebondissement politique, la Bourse de Paris a reculé, le CAC 40 terminant en baisse de 1,36%. Et sur le marché obligataire, le taux d'intérêt à dix ans passait au-dessus de celui de l'Italie.

La situation est suivie de près dans l'Union européenne (UE). «Une France stable est une contribution importante pour l'Europe», a réagi le porte-parole du gouvernement allemand, Stefan Kornelius.

AFP

 

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