
Le gouvernement français dévoile mardi ses projets de budget de l'État et de la sécurité sociale pour 2026, avec une ambition de redressement des finances publiques revue en baisse pour ménager un Parlement majoritairement hostile où il joue sa survie, notamment sur les retraites.
Les deux textes seront transmis au Parlement s'ils sont adoptés au préalable lors du premier conseil des ministres du gouvernement Lecornu II, prévu à 10H00 à l'Élysée où ils sont présentés in extremis pour permettre leur adoption d'ici le 31 décembre.
Le compte-à-rebours est désormais enclenché dans un processus budgétaire fortement perturbé par l'instabilité politique. L'Assemblée nationale et le Sénat disposent de 70 jours au total pour examiner le projet de loi de finances (PLF), et de 50 jours pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).
La présentation du plan contre la fraude sociale et fiscale est également prévue mardi.
Jusqu'au bout, des tractations ont été menées par l'exécutif pour tenter de rallier une majorité parlementaire et éviter la perspective d'une censure ou de nouvelles élections législatives anticipées.
Mais faute de temps, le projet de budget devrait être identique à celui que le Premier ministre Sébastien Lecornu avait envoyé le 2 octobre pour avis au Haut Conseil des finances publiques, avant sa démission puis sa reconduction. Ce texte est lui-même inspiré de la copie de son prédécesseur François Bayrou.
Retraites
En signe de bonne volonté, Sébastien Lecornu a dit vouloir laisser toute latitude au Parlement pour modifier les textes budgétaires, renonçant à l'article 49.3 de la Constitution permettant leur adoption sans vote.
Mais il est surtout attendu au tournant sur son discours de politique générale à l'Assemblée nationale mardi après-midi, notamment sur la réforme des retraites.
Le Parti socialiste, dont le soutien est crucial, réclame sa suspension comme prix d'une non-censure. Cette mesure, qui coûterait au moins 3 milliards d'euros en 2027 selon Matignon, fracture le camp présidentiel et rebute la droite comme le patronat.
«Tous les dossiers» évoqués lors des consultations «seront ouverts au débat parlementaire», s'est engagé le Premier ministre.
Sébastien Lecornu a déjà lâché du lest sur son objectif de réduction du déficit public, se donnant de la marge pour d'éventuels compromis.
Il ambitionne désormais un déficit sous 5% du produit intérieur brut (PIB) en 2026, plutôt que les 4,7% qui devraient être mentionnés dans le projet de budget, après 5,4% attendus en 2025.
Réparti entre moindres dépenses et nouveaux prélèvements, l'effort serait donc inférieur aux 44 milliards prévus initialement par François Bayrou.
Outre la non-suppression de deux jours fériés, plusieurs mesures sont déjà connues : diminution du train de vie de l'État, baisse d'un impôt de production réclamé par les entreprises qui redoutent toutefois le maintien partiel d'une surtaxe sur les bénéfices pour les plus grandes, taxe visant les holdings, maintien d'une contribution supplémentaire des hauts revenus.
Loi spéciale
Était également prévue initialement une «année blanche» gelant les salaires des fonctionnaires, les prestations sociales et les pensions de retraite. Sébastien Lecornu a par ailleurs évoqué un coup de pouce pour les ménages modestes.
Cette situation complique la trajectoire du retour en 2029 à un déficit de 3% maximum autorisé par Bruxelles alors que la France, deuxième économie de la zone euro, est déjà un cancre en la matière.
Cinquante ans après son dernier budget excédentaire, elle affichait en 2024 le pire déficit public (5,8% du PIB), et la troisième dette la plus importante derrière celles de la Grèce et de l'Italie (115,6% du PIB ou 3.416,3 milliards d'euros à fin juin).
Et la croissance risque d'être plus faible qu'anticipé en 2026, à 1% au lieu de 1,2%, synonyme de moindres recettes fiscales.
La France paie aussi le prix de l'instabilité sur les marchés où elle emprunte plus cher depuis la dissolution de juin 2024. La charge d'intérêt, en passe de devenir le premier poste de dépenses de l'État, pourrait dépasser 70 milliards en 2026.
Si le Parlement ne s'est pas prononcé dans les temps, le budget peut être mis en vigueur par ordonnance. Une loi spéciale est aussi possible, qui permettrait à l'État de continuer à percevoir les impôts existants, tandis que ses dépenses seraient gelées.
Avec AFP
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